Les règles oubliées de la décision collective

Les règles oubliées de la décision collective

En 1909, à la suite d’une vaste enquête sur la vie parlementaire, Mary Parker Follett (1868-1933), une des pionnières des sciences de gestion modernes, alertait déjà : « Le premier fondement des assemblées délibératives réside dans l’existence d’un système de pratique parlementaire. Dans les nations où le sens de l’ordre politique demeure fragile et où la maîtrise de soi au sein des débats fait défaut, le gouvernement du peuple se trouve exposé aux périls les plus graves. »

Avec l’absence de majorité politique, chacun a pu constater que les règles de l’Assemblée nationale devenaient des outils de conception des lois. La gestion de la décision collective parlementaire s’impose donc, de nouveau, comme un espace oublié du politique, au moins aussi important que les idées politiques elles-mêmes.

On sait depuis Condorcet que les décisions prises collectivement ne respectent pas la rationalité des choix : une assemblée peut ainsi préférer la loi A à la loi B, puis la loi B à la loi C, et pourtant ne pas préférer la loi A à la loi C ! Mais la vie parlementaire ne se résume pas à de telles logiques abstraites, elle exige des normes de gestion qui permettent à chacun d’inscrire son action dans le processus collectif : règles de gouvernance (groupes, présidence, bureau, commissions, ordres du jour, etc.), règles de gestion des débats et des modes d’expression, règles de collaboration avec le gouvernement ou avec d’autres chambres, etc.

Inventions et compromis

Le plus souvent, le citoyen ne découvre ces règles que par leurs effets les plus déroutants : la montagne des milliers d’amendements, les pratiques d’obstruction, les lois votées par des coalitions contre-nature… En outre, une large partie des règles de l’Assemblée nationale restent peu visibles, sauf dans les situations extrêmes : qui connaissait, il y a peu, les dates limites de vote du budget ? Les contraintes de la seconde lecture (après passage au Sénat) ? Les budgets par défaut, en cas de non-vote par les députés ?

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LJD

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