Les professions de la finance et du conseil, un monde dur pour les femmes
Dans ces espaces, grimper dans la hiérarchie s’allie pour les femmes à un parcours du combattant. Ecoles de commerce et entreprises s’inclinent sur le sujet.
« Je connais trois femmes qui ont abandonné le métier rien que depuis le début de l’année, et aucun homme. Et je ne crois pas que ce soit un hasard », changement Marie (les prénoms des femmes ont été changés à leur demande), 30 ans, salariée d’un fonds de capital-risque à Paris, lorsqu’on l’interroge sur le fait d’être une femme dans son secteur. Une chose est sûre : dans les métiers de la finance et du conseil, les effectifs sont aujourd’hui relativement mixtes au niveau junior, mais les femmes disparaissent à mesure que l’on monte dans la hiérarchie.
Comment expliquer ce phénomène ? Certes, évoluer dans ces secteurs très concurrentiels est difficile pour tous. Mais réussir en tant que femme demande un travail d’adaptation supplémentaire et coûteux, estime la sociologue Isabel Boni-Le Goff, enseignante-chercheuse à l’université de Lausanne, qui a étudié le secteur du conseil.
Dans ce métier où le relationnel tient une part importante, notamment avec le client, le « bon expert » est à la fois compétent et capable de construire une relation intime. « Face à cette double injonction, les consultantes doivent faire un effort spécifique pour que le cadre de l’interaction soit le plus maîtrisé possible, pour neutraliser le genre. Cela passe par l’apparence physique, vestimentaire, la manière dont elles parlent et se tiennent… Au bout de cinq ans de carrière, une succession de petites épreuves quotidiennes qui s’accumulent, un poison sur la durée », déclare-t-elle.
L’avantage informel des hommes
Dans la finance, être un homme est pareillement, a priori, un bon point pour être connu légitime. « Les compétences qui adaptent sont celles dites masculines, genrées, améliorées par les hommes et un milieu bourgeois : l’aptitude à manier les chiffres, le calcul, la vitesse d’exécution, la compétitivité, l’ardeur, l’ego, une grande confiance en soi. Je ne veux pas dire que seuls les hommes ont ces traits, mais ils sont socialement construits comme masculins, donc on va considérer que les femmes y sont moins bonnes », cite Valérie Boussard, professeure de sociologie à l’université Paris-Nanterre et auteure de recherches sur les rouages de cette filière.
Un autre type d’expériences est d’ordre organisationnel. Les professionnels de ces milieux doivent fréquemment être très disponibles, tard, et être mobiles géographiquement. Ces petits freins pour les femmes sont réels au moment de la maternité. « Mais aussi imaginés, car les femmes sont a priori pensées comme moins disponibles, même quand elles le sont », précise Valérie Broussard.