« Les métiers du vieillissement, essentiels et pourtant insoutenables »

« Les métiers du vieillissement, essentiels et pourtant insoutenables »

[Comment expliquer l’écart entre l’importance de certains métiers du soin, et la réalité de leurs conditions d’exercice ? Annie Dussuet est enseignante-chercheuse émérite à Nantes Université, au Centre nantais de sociologie. Ses recherches portent sur le travail domestique et les emplois féminisés des services, dans les associations tout particulièrement. François-Xavier Devetter est chercheur au laboratoire Clersé (université de Lille) et à l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES). Ses travaux portent sur le temps de travail et les emplois à bas salaire, tout particulièrement les agentes et agents d’entretien, les aides à domicile et les assistantes maternelles agréées. Laura Nirello est enseignante-chercheuse à l’IMT Nord Europe et membre du Clersé. Ses travaux s’intéressent aux évolutions des politiques publiques dans le domaine de la prise en charge des personnes âgées et leurs conséquences sur l’emploi, notamment dans l’économie sociale et solidaire. Emmanuelle Puissant est enseignante-chercheuse à l’université Grenoble Alpes et membre du laboratoire Creg. Ses recherches portent sur le travail associatif et ses transformations dans les activités sociales et médico-sociales. Elle est coresponsable pédagogique du master Transformations des organisations de l’économie sociale et solidaire de la faculté d’économie de Grenoble.]

La crise du Covid a rendu encore plus évident le caractère essentiel des métiers du grand âge. L’allongement de l’espérance de vie s’accompagne en effet de l’apparition de limitations fonctionnelles, de façon plus ou moins accentuée suivant les catégories sociales (Cambois et al., 2008 ; Brunel et Carrère, 2018). Celles-ci se traduisent pour une partie importante de la population par la nécessité d’un accompagnement destiné à maintenir le maximum d’autonomie et à favoriser des fins de vie dignes.

Que ce soit à domicile ou en établissement, cet accompagnement nécessite l’intervention de personnes aguerries, non pas tant pour « soigner » des pathologies, mais pour « prendre soin » (care) de personnes devenues plus vulnérables avec l’âge. Il s’agit donc d’adapter les caractéristiques de chaque intervention : suffisante pour garantir la sécurité et la qualité de vie des personnes âgées aidées, mais pas trop intrusive, afin d’éviter de précipiter la perte d’autonomie.

Pourtant, les acteurs du secteur attendent toujours la fameuse loi « grand âge », sans cesse annoncée et repoussée, alors que les rapports institutionnels et les recherches académiques se succèdent et alertent tous sur la faible qualité des emplois et du travail dans ce secteur, notamment en termes de faiblesse des rémunérations, mais aussi en termes de pénibilité et de l’usure professionnelle qui en découle.

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LJD

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