Les « logiciels espions » s’invitent chez les salariés
Accusé d’aider les employeurs à « fliquer » leurs salariés, Microsoft revoit la copie de son « score de productivité ». Fin octobre, la firme américaine avait dévoilé cette nouvelle fonctionnalité incluse dans sa suite bureautique, qui mesure le temps passé par chaque collaborateur sur ses outils en ligne pour en tirer un score visant à refléter son « niveau d’engagement et de productivité ».
La fonctionnalité Workplace Analytics promettait déjà d’« harmoniser productivité et bien-être » en dressant un panorama assez complet de l’utilisation de la plate-forme au sein d’un groupe de travail. La mise en place du « score de productivité » de chaque salarié a été le pas de trop. Confronté à une polémique croissante, Microsoft a finalement annoncé le 1er décembre que les données recueilles au niveau de chaque salarié seraient anonymisées et disponibles seulement à l’échelle de l’entreprise ou d’un groupe de travail.
Cette levée de boucliers illustre les crispations grandissantes autour des tentatives de surveillance des salariés en télétravail. Depuis plusieurs années, un certain nombre d’outils plus ou moins légaux, accessibles en quelques clics sur le Net, permettent de garder un œil sur les faits et gestes de chaque télétravailleur : des « keyloggers », qui enregistrent tout ce qu’un utilisateur tape sur le clavier, jusqu’aux logiciels de capture d’écran pour vérifier que le salarié est bien en train de travailler devant son ordinateur, en passant par les outils de communication en ligne qui contrôlent la connexion. Des solutions communément utilisées, comme Microsoft Teams ou Google Drive, ont déjà cette option.
La crise sanitaire favorise son utilisation
L’avènement du télétravail promet un bel avenir à ces outils. Alors que des milliers de salariés travaillent à domicile, nombreux sont les employeurs qui contrôlent qu’ils ne se traînent pas devant Netflix au lieu de plancher sur leurs dossiers. Près de la moitié (45 %) des 1 309 salariés interrogés par GetApp, dans un sondage mené en France au cours du mois de novembre, travaillent dans une entreprise qui utilise des outils de surveillance. 20 % déclarent que cette surveillance a débuté à l’occasion de la crise sanitaire.
Pourtant, certaines de ces solutions sont à la limite de la légalité. En 2019, la surveillance des employés au travail générait 10,7 % des plaintes reçues par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Sollicitée sur ces sujets, l’autorité administrative indépendante a rappelé à plusieurs reprises dans quelles conditions l’employeur a le droit de surveiller les horaires de travail et de connexion du salarié.
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