« Les cadres ont perdu la connexion au travail réel »
Dans une tribune au « Monde », Vincent Baud, expert en management, lance un cri d’alarme sur les conditions de travail des cadres, happés par les tâches numériques.
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Voici le constat désemparé qu’un cadre me dressait sur le sujet de sa qualité de vie au travail : « Je ne sais pas ce que je ferais de mes journées si je n’avais plus ni courriels ni réunions… »
Selon les dernières études (IFOP, « En 2018, les cadres passeront plus de temps en réunion qu’en vacances », et Circle Research 2018, « Five steps to the perfect meeting »), le temps passé par les cadres en réunion est en inflation constante ; il augmenterait ainsi de 5 % par an, allant de quatre à huit heures par semaine, des chiffres qui doublent pour les cadres supérieurs !
Fléau
Pire : 78 % des participants estiment que leur opinion n’y est rarement voire jamais prise en compte. La moitié n’a ni ordre du jour, ni relevé de décisions, faute de temps.
Quant au temps passé devant leur messagerie, il est de plus de cinq heures par jour, et le plus souvent pendant les réunions. Lire et écrire des courriels. Organiser et participer à des réunions. En présence. A distance. Encore et encore.
C’est le fléau qui touche tant de cadres aujourd’hui, perdus dans la jungle d’un agenda qui dirige leur vie, agenda qu’ils ne maîtrisent d’ailleurs plus, le verrou qui consistait pour eux à être les seuls à pouvoir y inscrire l’emploi de leur temps ayant sauté par des invitations auto-inscrites se chevauchant, voire pire, fixées sans leur accord.
Ainsi, une responsable de la qualité de vie au travail (QVT) qui évoquait ce sujet avec moi s’est vu intimer l’ordre de rejoindre séance tenante une conférence qui l’avait désignée organisatrice sans même qu’elle l’ait acceptée. « Nous sommes huit et on t’attend ! »
Une spirale qui touche la santé et la performance
L’agenda des cadres est devenu, comme leurs messageries, un bar ouvert à tous les excès et sollicitations au point que certains y inscrivent, en acte de résistance, de faux rendez-vous pour se préserver quelques instants.
Les cadres sont devenus prisonniers du piège suivant : profiter de tout instant au travail, dont les réunions, pour réduire la charge à emporter à la maison, et travailler à la maison pour réduire la charge qu’ils retrouveront au travail.