Le versement du salaire à la carte serait-il inévitable ?
Carnet de bureau. « Il existe de plus en plus de salariés qui demandent des avances sur salaire et de petites entreprises qui voudraient pratiquer le paiement fractionné », affirme Amaury Lelong, le directeur général de PayFit. Cette jeune entreprise spécialisée dans les solutions RH pour les TPE/PME publie, jeudi 8 juin, une étude réalisée au mois de mai par Ipsos sur les Français et leur paie. Ses résultats révèlent notamment que l’idée d’être payé quand on le souhaite fait son chemin, en particulier chez les jeunes salariés.
Dans l’étude Ipsos/Payfit, près d’une personne sur quatre (23 %) a demandé une avance sur salaire en 2023 et plus d’une sur trois (36 %) pour les plus jeunes (18-34 ans). Dans une autre étude réalisée en février 2022 par OpinionWay pour la fintech Rosaly, ils étaient moitié moins : 11 % seulement l’avaient fait, mais 33 % des salariés affirmaient déjà souhaiter y recourir.
L’inflation à plus de 5 % est toujours au cœur des préoccupations des salariés, mais n’est pas la seule explication à cette tendance émergente. En 2022, les salariés qui demandaient des avances évoquaient leur inquiétude de ne pouvoir faire face à une facture. Les raisons invoquées en 2023 vont au-delà : il s’agit de ne plus attendre la fin du mois pour toucher son dû. Près d’un salarié sur dix aimerait qu’il soit possible de percevoir sa paie quand bon lui semble.
Contraire au code du travail
A l’heure où le temps de travail est fractionné, quatre heures par-ci, trois heures par là, y compris samedi, dimanche, et où le travail lui-même organisé en multiactivité, voire en multitâche, concerne de plus en plus d’actifs, le paiement à la carte peut sembler cohérent, voire attractif. Ainsi, 21 % des personnes interrogées par Ipsos pour Payfit en attendent « une meilleure gestion des finances ».
La flexibilité dans le versement de la rémunération à l’anglo-saxonne, comme cela se pratique en Angleterre ou en Australie, qu’elle soit souhaitable ou non, gagne du terrain. Mais ce n’est pas du tout ce que prévoit le code du travail, qui est très clair sur le sujet : « Le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois », indique l’article L. 3242-1. Et l’avance sur salaire elle-même est encadrée : « Un acompte correspondant, pour une quinzaine, à la moitié de la rémunération mensuelle, est versé au salarié qui en fait la demande », poursuit le même article du code.
La loi inscrit volontairement la relation de travail entre employeur et travailleur dans le temps long, pour protéger le salarié. Toute une partie de la vie en société est d’ailleurs organisée sur ce même tempo mensuel : le loyer, les remboursements d’emprunts, etc. Côté entreprise, les employeurs redoutent déjà la complexité administrative qui accompagnerait un hypothétique versement de la paie à la carte. Pourtant, le code du travail fait déjà des exceptions pour les saisonniers, les intermittents, les intérimaires, parce que leur mode de travail est morcelé. Le salaire fractionné serait-il inéluctable ?