Le travail vu d’Europe : 18 % des travailleurs de l’Union européenne affirment qu’un programme informatique suit leur activité de manière extensive ou partielle
La déferlante du numérique dans la vie professionnelle franchit une nouvelle étape avec l’intelligence artificielle (IA) générative et les programmes informatiques : des algorithmes qui suivent, contrôlent et évaluent l’activité des travailleurs. Ce sont justement ces deux aspects quel’étude 2024 d’Eurofound entreprend d’explorer.
L’IA générative a beau susciter des débats passionnés sur la manière dont elle va révolutionner le monde du travail, son usage demeure très limité : seulement 12 % des actifs de l’Union européenne affirment l’utiliser au moins occasionnellement dans un cadre professionnel, constate Eurofound.
Mais ce chiffre pourrait être minoré, explique le sociologue du travail Arnaud Mias, de l’université Paris-Dauphine : en effet, selon une étude conjointe de l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) et de la direction générale du travail (DGT), « l’écrasante majorité des usages professionnels de l’IA relèverait en France du “Shadow AI”, à savoir un usage clandestin d’un outil non validé par la direction ». Il est possible qu’une partie des répondants, et pas seulement en France, omettent donc de signaler cet usage.
De larges disparités
Quoi qu’il en soit, de larges disparités émergent entre pays, dessinant une nouvelle forme de fracture numérique : au moins 20 % des travailleurs en Suède, en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark et jusqu’à 25 % au Luxembourg y recourent, mais le taux d’utilisation tombe à moins de 6 % en Grèce, en Italie, au Portugal et en Roumanie.
Avec 9 % d’utilisateurs, la France occupe une position intermédiaire, loin derrière l’Allemagne (18 %) à laquelle elle se plaît à se comparer. Cette hiérarchie renvoie notamment au poids respectif, dans ces différents pays, des secteurs et métiers du tertiaire fortement utilisateurs d’IA (recherche, finance, droit, numérique…), avance Arnaud Mias.
Eurofound constate en outre un recours variable par âge et par genre. Par rapport aux précédentes vagues de l’enquête, où les jeunes actifs adoptaient plus vite les innovations que leurs aînés, le score des 16-29 ans (15 %) est équivalent à celui des 30-54 ans, mais les 55-64 ans décrochent, avec seulement 9 % d’usagers.
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