« Le travail entrepreneurial » : le coaching, entre rêve d’autonomie et risque de précarité

La figure de l’entrepreneur, volontiers héroïsée, serait-elle un leurre ? Et l’injonction à « l’entreprise de soi », portée par la pensée néolibérale, une impasse ? La Revue française de socio-économie a souhaité, dans son édition du premier semestre 2025, se pencher sur « les réalités concrètes du travail entrepreneurial », « à rebours des discours normatifs et idéalisés » et, parfois, bien loin des espoirs portés par de nouveaux entrepreneurs.
A travers des enquêtes de terrain menées auprès de populations très variées (cartomanciennes en ligne, entrepreneurs des quartiers prioritaires), la publication propose d’explorer l’envers du décor de l’entrepreneuriat. Des chercheurs en sciences sociales y pointent les activités contraintes, les rapports de pouvoir, l’accès inégal aux ressources et les formes de précarité qui touchent cette catégorie de travailleurs. L’étude menée sur les coachs spécialisés dans les reconversions professionnelles permet, en particulier, de saisir l’ampleur des difficultés rencontrées.
Tout commence par une envie de reconversion. Sensibles aux « discours dominants sur “l’esprit d’entreprendre” », les futurs coachs, majoritairement des femmes très diplômées, vont chercher à quitter un salariat qui ne leur convient plus. Les motifs d’insatisfaction sont nombreux : « L’expérience d’un management dit “toxique”, la frustration, l’ennui ou encore le sentiment d’exercer un métier qui n’a pas de sens », explique Anne Jourdain, maîtresse de conférences en sociologie à l’université Paris-Dauphine-PSL. Près de la moitié des coachs qu’elle a rencontrés ont fait l’expérience du burn-out.
« Précarité en col blanc »
L’indépendance apparaît, au contraire, comme un horizon désirable, synonyme d’autonomie et permettant de « se récréer une identité professionnelle positive ». L’idéal est toutefois rarement atteint et la précarité, bien souvent, au rendez-vous. L’autrice évoque ainsi le parcours de Marion, 33 ans, ancienne chasseuse de têtes, qui « ne réalis[e] que 4 000 euros de chiffres d’affaires par an [à ses débuts] ». David, 34 ans, précédemment consultant en organisation, accomplit ses séances de coaching en ligne depuis « sa chambre d’enfance chez ses parents ». « J’ai été surprise (…) par la différence entre la posture et les discours très positifs véhiculés par les jeunes coachs (…) sur les réseaux sociaux et le portrait à l’inverse très noir qu’[ils] dressaient parfois de leur situation en entretien. »
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