Le top management s’approprie le Post-it

Le top management s’approprie le Post-it

Maniée désormais par les DRH des entreprises grandes et moyennes, l’étiquette repositionnable est devenue l’accessoire des méthodes de « management agile », explique la journaliste du « Monde » Anne Rodier dans sa chronique

Publié aujourd’hui à 06h15 Temps de Lecture 2 min.

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« L’étiquette repositionnable est ainsi devenue l’accessoire des méthodes de management agile ».
« L’étiquette repositionnable est ainsi devenue l’accessoire des méthodes de management agile ». Nathan Alliard / Photononstop

Chronique « Carnet de bureau ». Jaune, vert, rose, le Post-it a mis plus de quarante ans à réaliser son ascension sociale et à s’approprier les bureaux des manageurs. Né à la fin des années 1970 des expériences des chercheurs de la société 3M, Spencer Silver et Art Fry, qui testaient une colle qui ne colle pas, il a longtemps stagné avec la papeterie de base, enfermé dans le tiroir d’un employé, jusqu’à être déposé sur un coin de table pour laisser la trace d’un appel téléphonique à un collègue ou servir d’aide-mémoire aux oublieux.

Aujourd’hui, c’est l’heure de gloire : « Le Post-it est devenu le format standard pour exprimer sa pensée dans les entreprises du XXIe siècle », définit le Petit dictionnaire illustré de l’entreprise, (Diateino) que vient de publier le dessinateur Fix (François-Xavier Chenevat), également amateur des dérives du management.

Les petits papiers multicolores recomposent comme une mosaïque le travail fragmenté

Maniée désormais par les DRH des entreprises grandes et moyennes, dans un nouveau rôle de « stimulateur d’échange » et « vecteur d’hypercollaboration », l’étiquette repositionnable est ainsi devenue l’accessoire des méthodes de « management agile ». Dans les espaces de travail, les équipes « hackent » les bureaux, en en recouvrant les murs ou les vitres. Ces puzzles d’un nouveau genre qui égayent les bureaux permettent surtout d’avoir en permanence sous les yeux les idées ou les axes de travail retenus par l’équipe et de « passer rapidement de la collaboration au travail individuel axé sur la concentration », indique une étude de Steelcase sur « l’hypercollaboration et le travail d’équipe » publiée en septembre.

Nouveau média de l’engagement

Rien de surprenant pour Robert Thomson, professeur de l’université Syracuse de l’Etat de New York. Selon ce spécialiste de la culture populaire, « le Post-it est le reflet d’une vie de plus en plus complexe et de la nécessité de contrôler cette complexité ». De la « to do list » individuelle, pour tenter de contenir l’accélération du rythme de travail et de retenir les informations clés qui s’échappent juste avant la prise de parole, au mur du brainstorming, où se juxtaposent les suggestions de toute une équipe, les petits papiers multicolores recomposent comme une mosaïque le travail fragmenté. Ils collent aussi parfaitement au mode de travail par itération promu par les transformations numériques tous azimuts, de la construction automobile à la bancassurance.

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LJD

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