« Le contrat social n’est plus respecté, les gens non plus » : la colère salariale gagne la Bretagne

« Le contrat social n’est plus respecté, les gens non plus » : la colère salariale gagne la Bretagne

A Ploërmel, le 8 novembre. Les salariés de Cocotine se sont mobilisés pour une revalorisation de leurs salaires.

Une partie de palet bat son plein devant l’entrée de Cocotine. Entre la fumée qui s’échappe d’un baril et la musique à tue-tête, plusieurs dizaines de personnes discutent. A leurs côtés, quelques pancartes en carton avertissent : « Salaires de misère », « En panne »… C’est bien la première fois que l’on observe une telle scène au-devant de cette casserie de Ploërmel (Morbihan), spécialisée dans la fabrication de produits à base d’œufs qui emploie 230 salariés.

« Pour une bonne partie des gens ici, on est à 1 600 euros brut par mois, et ce, peu importe l’ancienneté. Avec l’inflation, le prix de l’essence, c’était plus possible », expose Maryline Etienne, conductrice de ligne depuis plus de vingt-cinq ans. La déléguée syndicale CFDT au visage garni de taches de rousseur se trouvait dans une impasse « après des années d’accords signés pour quoi ? Des cacahouètes ».

« J’ai une famille, des enfants, et je me demande comment je vais faire pour leurs études plus tard avec 1 400 euros net par mois. » Grégory Simon, 35 ans

Ses collègues l’ont poussée, début novembre, à débrayer afin de dénoncer la situation dégradée au sein de l’entreprise, « moi, la petite déléguée syndicale pas très revendicative ». La quasi-totalité l’a rejointe dès le premier jour et réclame une hausse des salaires de 5 %.

Grégory Simon, grand brun svelte de 35 ans, a fait partie des lanceurs du mouvement : « J’ai une famille, des enfants, et je me demande comment je vais faire pour leurs études plus tard avec 1 400 euros net par mois. » Lui transporte chaque jour, à l’approvisionnement, des charges de 25 kilos. Dans une « très bonne » équipe, certes, mais, quand même, « c’était soit la grève, soit je démissionnais ». Florence Vergnaud, bouille sympathique, papote entre les groupes. « Dans notre atelier, il fait trop chaud, tellement que certains font des malaises. J’ai remonté l’information, mais rien n’a changé. On a le sentiment de ne pas être écoutés », se désole cette conductrice de ligne aux vingt-cinq ans d’entreprise.

Mobilisation spontanée et inédite

Reconnaissance. Le mot revient dans toutes les conversations, et pas que chez Cocotine. Depuis le printemps et la saison des négociations annuelles obligatoires, la colère gronde en centre Bretagne, où le secteur de l’agroalimentaire représente pas moins de 74 000 personnes, selon des chiffres de 2019, soit environ 40 % des emplois industriels – avec des pics à 70 % du côté de Carhaix-Plouguer (Finistère).

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Greenyard Frozen à Moréac, Gaillard pâtissier à Locminé, Gelagri à Loudéac… Les débrayages se sont multipliés devant des usines qui connaissaient pas ou très peu la contestation. « En vingt-huit ans dans le secteur, c’est bien la première fois que je vois un tel mouvement sans appel fédéral à faire grève, commente Ronan Le Nézet, secrétaire CGT de l’union locale Pontivy-Loudéac. Le contrat social n’est plus respecté, les gens non plus. »

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