L’autonomie toute relative du cadre en forfait-jours
Droit social. « Fais ce que voudras ! » La règle de l’abbaye de Thélème (Rabelais) ne peut être celle d’une entreprise, organisation collective destinée à produire des biens ou des services. Même pour des cadres dont le temps est compté en forfait-jours, disposant donc nécessairement « d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps, la nature de leurs fonctions ne les conduisant pas à suivre l’horaire collectif » (L. 3121-58)… La Cour de cassation a remis les pendules à l’heure, le 2 février 2022 : « Une convention de forfait annuel en jours n’instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail, indépendamment de toute contrainte liée à l’organisation du travail par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction. »
Il est vrai que les faits étaient caricaturaux : salariée d’une clinique où des rendez-vous sont pris de longue date avec des clients, la vétérinaire récusait tout planning d’activité. Alors qu’elle avait le choix de ses journées ou demi-journées, elle « ne respectait pas les jours de présence fixés dans son emploi du temps, se présentait à son poste de travail selon ses envies, et le quittait sans prévenir ses collaborateurs » : faute grave confirmée.
La nécessaire autonomie du cadre en forfait-jours ne se confond donc pas avec l’indépendance d’un travailleur… indépendant. Il appartient à une organisation, mais aussi à une communauté de travail, même s’il n’est pas tenu à un horaire collectif comme ses collaborateurs.
Insolubles problèmes
C’est l’une des conséquences de la « subordination juridique », critère du contrat de travail depuis 1931 : le « pouvoir de direction de l’employeur » évoqué par l’arrêt du 2 février lui permet d’imposer les contraintes horaires (réunion de service, se rendre chez les clients) nécessaires à son organisation.
Et si la polarisation de notre marché du travail est une réalité (premier de cordée plus autonome/premier de corvée avec sa hantise des retards), l’idée d’une ubérisation généralisée liée à la révolution numérique et à la soif de marges de manœuvre des jeunes générations se heurte à l’expérience de nombreux décideurs, excédés de voir les free-lances sauter d’une mission à l’autre, créant d’insolubles problèmes.
Certes, l’existence d’un « planning » imposé fait a priori douter de l’autonomie du cadre devant s’y soumettre, mais tout dépend de ses marges de liberté et de l’activité de l’entreprise en cause. En l’espèce, la vétérinaire « pouvait organiser ses interventions à sa guise, dans la mesure où elle respectait les contraintes liées à l’activité de la clinique, à savoir la fixation de rendez-vous aux propriétaires des animaux soignés ».
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