L’argot de bureau : des « ghost jobs », pour sauver les apparences
Après des mois de recherche, vous n’y croyiez plus : le job de vos rêves, à deux rues de chez vous, avec douze semaines de congés et des missions passionnantes. Exalté, vous arrivez en bas de l’annonce, et tombez sur sa date de publication : février 2014. L’entreprise a oublié de la retirer. Saperlipopette.
Il arrive que les petites annonces ne soient plus à la page : si l’on tape par exemple « metaverse » dans un moteur de recherche, on tombera sur nombre de postes d’ingénieurs ou « chief metaverse officer » postés à la va-vite lors du buzz de ce terme, il y a quelques mois… Mais qui n’ont jamais été pourvus, devant le fiasco (mérité) de sa mise en place dans les entreprises. Ces annonces sont des « ghost jobs », des « emplois fantômes » : ce sont ces offres d’emploi qui restent en ligne durant des mois après leur publication, sans que le candidat ne puisse savoir si les postes ont été pourvus.
C’est un sondage qui a réveillé les morts et popularisé le terme outre-Atlantique : A l’été 2022, l’entreprise américaine de prêt en ligne Clarify Capital a interrogé plus de mille manageurs impliqués dans des processus de recrutement. Plus des deux tiers (68 %) des manageurs déclaraient que leur entreprise laissait des offres en ligne durant plus de trente jours, et un sur dix qu’une même annonce pouvait « durer » plus de six mois.
Une manipulation multiple
Ce n’est pas forcément volontaire : le département des ressources humaines (RH) pourra oublier de supprimer sa proposition une fois que le ou les embauches auront été réalisées, ou la plate-forme d’emploi pourra publier en plusieurs exemplaires une offre qui ne recrute qu’une seule personne.
Pourtant, l’effet pour l’employeur de cette manipulation est potentiellement multiple : en premier lieu, naturellement, faire postuler du monde et garder une visibilité sur les plates-formes. Si l’intention de laisser traîner l’annonce est bien présente, ces offres peuvent permettre de garnir le « vivier de talents » si précieux pour les RH. En effet, si l’entreprise a payé un budget publicité sur LinkedIn ou Indeed s’étalant d’un jour A à C, et que tous les recrutements prévus ont été faits au jour B, pourquoi se priver d’une visibilité disponible ?
Les recruteurs peuvent aussi utiliser ces petits fantômes pour garder les CV de bons candidats… Afin de les rappeler du tac au tac le jour où une position se libère, notamment un poste réputé « à fort turnover ». C’est la guerre des talents, disent-ils.
Intentions maléfiques et dysfonctionnements
Il vous reste 35.02% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.