La retraite protégée par le droit… de propriété

La retraite protégée par le droit… de propriété

Droit social. Ma retraite, mon patrimoine ! Selon une jurisprudence du 6 juin 2022 de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, « le droit individuel à pension d’une personne assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif constitue un intérêt patrimonial substantiel ».

L’arrêt précise que cet intérêt patrimonial entre « dans le champ d’application des dispositions [de l’article 1 du protocole additionnel nº 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH)] qui impliquent un rapport raisonnable de proportionnalité, exprimant un juste équilibre entre ce droit individuel [à pension de retraite] et les exigences de financement du régime de retraite considéré ».

La Cour de cassation admet de la sorte que le versement de cotisations obligatoires à une caisse de retraite peut créer un droit patrimonial protégé par le droit humain européen. Et, ce avant même que le cotisant ne remplisse toutes les conditions pour percevoir effectivement la pension, dès lors qu’il y a un lien direct entre le niveau des cotisations et les prestations allouées. Au résultat de cette jurisprudence, la caisse de retraite doit prendre en compte les cotisations, même versées avec un (long) retard et réviser le montant de la pension due. Ce qui n’est actuellement pas le cas.

Pareillement, l’« arrêt Diop » du 30 novembre 2001 du Conseil d’Etat avait reconnu le caractère discriminatoire du « gel » des pensions versées aux fonctionnaires civils et militaires des ressortissants des ex-colonies françaises, car lesdites pensions civiles « constituent des créances qui doivent être regardées comme des biens au sens de l’article 1er du premier Protocole additionnel à la CEDH » du fait de leur nature « d’allocations pécuniaires, personnelles et viagères auxquelles donnent droit les services accomplis par les agents publics (…) jusqu’à la cessation régulière de leurs fonctions ».

Formule floue

Cette approche fondée sur les droits de l’homme n’est pas celle du Conseil constitutionnel qui se borne à rappeler rituellement que la Constitution « implique la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des travailleurs retraités », puis laisse le législateur « choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées ».

Aucune obligation de non-régression des retraites ne pèse en effet, selon les Sages de la rue de Montpensier, sur le législateur français si ce n’est, formule floue jamais encore rendue effective, que « l’exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ». Le Conseil constitutionnel ne fait jamais référence à un quelconque droit patrimonial protégé.

Il vous reste 19.86% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.