La loi pour une « égalité économique et professionnelle réelle » peut modifier en profondeur les directions des grandes entreprises françaises
Tribune. La loi Copé-Zimmermann a imposé en 2011 un minimum de 40 % d’administrateurs de chaque sexe au sein des conseils d’administration (CA) des entreprises cotées en Bourse. Dix ans plus tard, au moment où le Sénat examine la proposition de loi « égalité économique et professionnelle réelle » qui vise, cette fois, à imposer une mixité au sein des comités exécutifs – qui dirigent les entreprises au quotidien –, il semble indispensable de tirer les leçons de l’expérience précédente.
La loi Copé-Zimmermann a atteint, et même dépassé, les résultats chiffrés attendus. Les femmes sont passées d’une situation de toute petite minorité – 7 % des membres des CA en 2006 dans les entreprises du SBF 120 [les 120 plus grosses capitalisations françaises] – à une situation proche de la parité : 46 % des effectifs aujourd’hui. Alors que l’inégalité des genres semblait gravée dans le marbre depuis des décennies, cette loi a fait de la France la championne de la mixité des conseils d’administration.
Mais il est intéressant d’examiner les conséquences de cette réforme sur la qualité de la gouvernance des entreprises concernées. L’étroitesse du vivier de femmes dirigeantes a-t-elle abouti à la sélection de personnalités de second choix, ayant moins d’expérience, de qualifications, d’indépendance que les administrateurs qui les précédaient ?
Cette question est récurrente dès qu’il est question de quotas. Accorder un quota à une partie de la population jusque-là sous-représentée, suscite toujours des craintes quant à la qualité des personnes nommées par la suite.
Plus expérimentées, plus indépendantes
De fait, la réforme Copé-Zimmermann a causé dans un premier temps des difficultés de recrutement. Les mandats, particulièrement longs, des premières femmes nommées administratrices en témoignent. Mais une recherche menée par une équipe de l’université Paris-Dauphine-PSL met en évidence les effets finalement très positifs de cette loi – « Closing the Gap : Board Gender Quotas and Hiring Practices », Daniel Ferreira, Edith Ginglinger, Marie-Aude Laguna et Yasmine Skalli, European Corporate Governance Institute (ECGI), Finance Research Paper n° 520, 2020.
Cette recherche démontre notamment que, contrairement à ce que l’on pouvait anticiper, les nombreuses administratrices sélectionnées à partir de 2011 sont plus expérimentées, plus indépendantes, et ont des profils plus internationalisés que les rares femmes qui étaient auparavant à ces postes.
Que s’est-il passé ?
Jusqu’à la loi Copé-Zimmermann, le recrutement des administrateurs était en réalité largement basé sur la cooptation à travers des réseaux très peu féminisés d’anciens de l’X, d’HEC, et de l’ENA, dont les membres se trouvaient représentés de manière disproportionnée dans les conseils d’administration.
Il vous reste 55.51% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.