La justice dénie le statut de salarié à des travailleurs de plates-formes numériques
Nouvelle péripétie dans le feuilleton judiciaire des travailleurs « ubérisés ». Jeudi 8 octobre, la cour d’appel de Paris a débouté deux livreurs à vélo qui demandaient à se voir reconnaître le statut de salarié pour la période où ils collaboraient avec une plate-forme numérique.
Cet arrêt retient l’attention car il va à contresens de décisions d’autres juridictions dans des affaires similaires. Il est rendu au moment même où le gouvernement réfléchit à de nouvelles mesures pour réguler ce champ de l’économie, dont l’expansion bouscule notre modèle social, très largement appuyé sur le salariat. Le sujet doit d’ailleurs faire l’objet de discussions, cet automne, entre l’exécutif et les partenaires sociaux.
La décision de la cour d’appel concerne deux coursiers (ou « runners »), qui ont effectué des livraisons à domicile pour le compte de la société Tok Tok Tok. Payés à la tâche, ils ont exercé leur activité en qualité d’autoentrepreneur : ce statut est moins protecteur que celui de salarié et permet à la plate-forme, recourant ainsi à des livreurs, de s’affranchir du code du travail comme du paiement de cotisations sociales. Un modèle dont s’est également inspiré Uber, le groupe de transport par véhicules de tourisme avec chauffeur – d’où le néologisme « travailleurs ubérisés ».
Fin 2014, les deux runners de Tok Tok Tok ont saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin que soit requalifiée en contrat de travail leur relation avec la start-up. Sans succès. Ils ont donc interjeté appel. Leur argumentaire consiste à démontrer qu’ils n’étaient nullement indépendants, contrairement à ce que laisserait supposer leur statut d’autoentrepreneur : de nombreuses contraintes pesaient sur eux, disent-ils, ce qui prouve l’existence d’un lien de subordination caractérisant la condition de salarié.
Des litiges appréciés au « cas par cas »
Ainsi, ils invoquent notamment le fait d’avoir été soumis à une « clause d’exclusivité » qui leur interdisait d’effectuer des livraisons pour d’autres sociétés. Ils affirment également que la plate-forme leur avait fourni le matériel nécessaire pour réaliser la prestation (téléphone portable, uniforme complet aux couleurs de la société, carte bancaire…). En outre, Tok Tok Tok contrôlait, d’après eux, le port de la tenue et avait prévu des sanctions en cas d’oubli. Ils assurent, qui plus est, ne pas avoir eu le choix des jours et horaires de travail.
Dans deux arrêts distincts mais avec des motivations très proches, la cour d’appel a rejeté la demande des runners, estimant qu’ils « ne rapport[aient] pas la preuve » d’un « lien de subordination juridique » entre eux et la start-up. Tous les éléments factuels qu’ils mettaient en avant ont, en effet, été jugés inopérants.
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