La hausse des salaires, sujet tabou de Macron

La hausse des salaires, sujet tabou de Macron

Anne Callizo-Millet, 51 ans, infirmière dans une structure médico-sociale, est venue manifester lors de la journée de mobilisation interprofessionnelle, à Paris, le 18 octobre 2022.

Le gouvernement a-t-il tardé à repérer le conflit qui couvait dans les raffineries françaises ? Ou bien a-t-il simplement suivi à la lettre la doctrine d’Emmanuel Macron depuis 2017, consistant à laisser la main au dialogue social dans les entreprises, en s’en tenant à distance ? « Vous trouveriez ça normal, vous, dans une démocratie comme la démocratie française, d’avoir le ministre de l’économie qui participe aux négociations salariales entre une entreprise privée et les syndicats ?, s’est insurgé le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, alors qu’il était interpellé sur ce point lundi 17 octobre, sur RMC. Mais ça n’est pas du tout notre rôle ! »

En la matière, le chef de l’Etat part du principe que les questions salariales ne relèvent pas de l’Etat. C’est l’objet des ordonnances Macron de 2017, qui facilitent l’adoption d’accords collectifs dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ou de représentant du personnel. Cette conviction était aussi très présente dans son programme de campagne de 2022. Quand les autres candidats promettaient « une grande conférence sociale sur les salaires » sur fond d’inflation croissante, voire carrément des hausses chiffrées à 10 % pour Valérie Pécresse ou Marine Le Pen, lui proposait plutôt le triplement de la prime Macron (une prime défiscalisée pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages, plafonnée à 6 000 euros) et des dispositifs de partage des profits dans les entreprises versant des dividendes.

« Emmanuel Macron a deux convictions intangibles : il est pro-européen et il est pro-business, résume Hakim El Karoui, essayiste et consultant. Sa grille de lecture, c’est de se mettre à la place des chefs d’entreprise. Or, pour ces derniers, c’est plus simple de payer des primes que d’augmenter les salaires, qui viennent rogner la marge. »

Tentation contradictoire

Primes, intéressement, participation… Si les entreprises se sont saisies de ces instruments privilégiés par le locataire de l’Elysée, leur effet sur le pouvoir d’achat est encore difficile à mesurer. Surtout face à une inflation qui dure et devrait atteindre 4,2 % en 2023, selon l’exécutif – l’efficacité de ces dispositifs, par nature temporaires, est questionnée. « En complément des augmentations des salaires, les primes et la participation sont des outils adaptés quand il y a des chocs dont on ne sait pas s’ils sont permanents ou temporaires, observe l’économiste Philippe Martin, doyen de l’Ecole d’affaires publiques à Sciences Po. Si l’inflation dure, elles ne sont pas suffisantes. »

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LJD

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