La Commission européenne veut faire des livreurs de Deliveroo et des chauffeurs d’Uber des salariés
Dès sa nomination à la présidence de la Commission, en 2019, Ursula von der Leyen avait prévenu qu’elle souhaitait renforcer l’Europe sociale et évoqué la nécessité de s’intéresser au cas des plates-formes, comme Uber ou Deliveroo, où les conditions de travail dépendent très largement d’un algorithme (on ne parle pas ici des places de marché, des réseaux sociaux ou des sites de location). Jeudi 9 décembre, l’exécutif communautaire a présenté son projet de directive pour améliorer les conditions de travail dans ce secteur en pleine croissance : aujourd’hui, 28 millions d’Européens y travaillent – en 2025, ils devraient être 43 millions – et, dans 90 % des cas, ils ont le statut d’indépendant.
Pour l’heure, peu de pays ont légiféré pour réguler le droit du travail de ce pan de l’économie numérique. Et quand ils l’ont fait, comme en Espagne, où les livreurs de repas doivent désormais être salariés, ils n’ont pas adopté de mesure qui concerne l’intégralité du secteur. L’exécutif communautaire souhaite que cela change. Il propose que les indépendants, qui font vivre les plates-formes, se voient accorder le statut de salarié, dès lors que la relation qui les attache à leur employeur les installe dans une position de subordination.
« Nous proposons des mesures claires pour permettre à ceux qui sont effectivement des salariés d’accéder à la protection sociale à laquelle ils ont droit », Nicolas Schmit, le commissaire à l’emploi
Pour la Commission, une plate-forme « est présumée être employeur et ses travailleurs sont présumés être salariés » si elle remplit deux des cinq critères suivants : elle fixe la rémunération, elle supervise le travail par un moyen électronique, elle impose au travailleur ses heures de travail, elle lui dicte la manière dont il doit se comporter avec le client, elle l’empêche de travailler pour un autre donneur d’ordre.
« Une avancée majeure »
Aujourd’hui, Bruxelles estime que 5,5 millions de livreurs et autres chauffeurs répertoriés comme indépendants ne le sont pas. Les 22,5 autres millions – par exemple, des traducteurs ou des codeurs qui sont mis en contact avec leurs clients par l’intermédiaire de plates-formes – ont un statut qui correspond bel et bien à la pratique de leur activité. « Les plates-formes peuvent modifier leurs conditions de travail, afin que les indépendants auxquels elles ont recours soient de vrais indépendants », précise la Commission. Elles peuvent aussi (tout comme leurs collaborateurs) contester en justice ou devant des autorités administratives cette présomption de salariat. Mais le recours ne serait en aucun cas suspensif, et ce serait à elles de prouver que leurs collaborateurs sont des indépendants.
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