Josiane Clavelin, lanceuse d’alerte sur les cancers du sein des personnels soignants
Au revers de son pull corail, Josiane Clavelin a épinglé un ruban de satin rose. L’emblème d’« Octobre rose », la campagne de prévention du cancer du sein organisée chaque automne par l’association Ruban rose. Ce jeudi de fin octobre, la retraitée de 63 ans, militante à la CFDT des mineurs de Lorraine, s’apprête à recevoir trois femmes touchées par la maladie. Même si son taux de survie atteint 88 %, le cancer du sein reste le plus fréquent et le plus meurtrier chez les femmes : 58 000 nouveaux cas surviennent chaque année en France.
La syndicaliste compulse d’épais dossiers, le premier au nom de Martine. Brune, élancée, celle-ci s’installe face à elle, au premier étage du local syndical, dans un pavillon de Freyming-Merlebach (Moselle). Sa voix, tendue par une colère à fleur de peau, frappe les murs : « J’avais 48 ans quand mon cancer s’est déclaré, retrace l’ex-infirmière, 61 ans, dont trente-huit passés à l’hôpital. C’est à cette période-là que j’ai dit : “Je ne veux plus travailler la nuit”. J’en avais déjà fait 873. »
Une démarche inédite
Josiane Clavelin l’écoute, attentive derrière sa frange blonde. Elle aussi a travaillé à l’hôpital, comme aide-soignante en pédiatrie, et conserve de ce métier une forme de douceur et d’empathie. Comme Martine, elle a connu les gardes de nuit qui détraquent l’horloge biologique. Si des facteurs personnels (antécédents familiaux, alcool, tabac…) accroissent le risque de cancer du sein, la syndicaliste s’intéresse au rôle néfaste du travail.
« Ni mon médecin ni mon gynéco n’ont voulu signer un certificat pour dire qu’il y avait un lien possible entre mon cancer et le travail. Ils ne se mouillent pas ! » Martine
Les femmes qu’elle reçoit, principalement des infirmières ou des aides-soignantes qui ont travaillé la nuit et au contact des rayons X, veulent faire reconnaître leur pathologie comme une maladie professionnelle. Une démarche inédite : ces derniers mois, deux dossiers ont déjà été envoyés aux caisses d’assurance-maladie avec l’aide du syndicat. D’autres suivront dans les prochaines semaines. En tout, une trentaine de demandes doivent être complétées.
C’est le cas du dossier de Martine. « Ni mon médecin ni mon gynéco n’ont voulu signer un certificat pour dire qu’il y avait un lien possible entre mon cancer et le travail, regrette-t-elle. Ils ne se mouillent pas ! » « Ça n’engage pourtant pas beaucoup le médecin… s’agace le docteur Lucien Privet. Je vais vous le faire, moi. »
Ce compagnon de route du syndicat se tient aux côtés de Josiane Clavelin. Ils reçoivent les femmes en binôme : elle est la travailleuse et la militante, qui connaît intimement les conditions de travail des soignantes ; lui apporte sa caution scientifique. Dans les années 1970, le septuagénaire aux yeux rieurs débarquait à l’entrée des puits de mine avec des maoïstes soucieux des problèmes respiratoires des mineurs. Il n’a plus quitté la région.
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