Jezabel Couppey-Soubeyran : « Les avancées réglementaires en matière de durabilité sont sous la menace d’un détricotage en Europe »
Alors que l’urgence écologique commanderait aux pouvoirs publics de tout mettre en œuvre pour faire avancer la transition, au législateur de rendre les entreprises et leurs financeurs juridiquement responsables des dérèglements écologiques causés par leurs activités et de les obliger à les réduire, c’est l’exact opposé qui se produit. Les avancées réglementaires en matière de durabilité, que l’on savait partielles mais que l’on pensait acquises en Europe, sont déjà sous la menace d’un détricotage. Et quand procès climatique il y a, c’est plus souvent celui des activistes du climat que celui de ceux qui le dérèglent.
Juridiquement, en effet, presque rien n’oblige les acteurs publics ou privés à prévenir des atteintes à l’environnement, encore moins à atteindre des objectifs écologiques, même si les uns et les autres sont inscrits noir sur blanc dans des accords internationaux ou dans des rapports annuels d’activité. Résultat, on recule quand il faudrait accélérer.
Si le vent de déréglementation est fort et assumé de l’autre côté de l’Atlantique depuis la réélection de Donald Trump, il est plus léger et insidieux en Europe, où le pacte vert (Green Deal) pourrait bien en faire les frais. Comme alertait récemment Novethic, les grands textes du pacte vert, à savoir la directive Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), sur le reporting de durabilité des entreprises, celle aussi sur le devoir de vigilance (CSDDD), et même la taxonomie verte, pourraient être réouverts à la négociation.
Cet automne, les appels en ce sens n’ont cessé de se multiplier. Le dernier en date est celui d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commisssion européenne, qui propose une opération législative visant à alléger la charge de reporting. Ce même élan de « simplification réglementaire » se retrouve dans les préconisations du rapport Draghi, en septembre ; dans la demande, en octobre, du premier ministre français d’alors, Michel Barnier, d’un moratoire sur les réglementations de durabilité ; ou, enfin, dans l’annonce de son homologue allemand, le chancelier Olaf Scholz, de faire « disparaître » la loi allemande sur le devoir de vigilance et les obligations de reporting.
Complexité instrumentalisée
Or, ces obligations de publication, notamment d’informations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), constituent un levier essentiel pour le développement de la responsabilité sociale et environnementale dans tous les secteurs d’activité et toutes les entreprises. Même les PME situées sous les seuils légaux d’obligation de reporting définis par la CSRD (bilan supérieur à 25 millions d’euros ou chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros, ou effectif supérieur à 250 salariés), se trouvent elles aussi embarquées dans une stratégie de pilotage de la responsabilité sociale et environnementale lorsqu’elles travaillent avec des entreprises directement soumises à cette réglementation. Réduire ou, a fortiori, défaire ces exigences fera reculer cette responsabilité.
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