« J’ai commencé à 16 ans, je pensais pouvoir profiter de ma retraite… je suis condamnée à travailler »

« J’ai commencé à 16 ans, je pensais pouvoir profiter de ma retraite… je suis condamnée à travailler »

Par nécessité ou par envie, certains retraités reprennent un emploi. Le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye doit rendre jeudi ses conclusions sur le futur système de retraites.

Par Publié le 17 juillet 2019 à 18h18 – Mis à jour le 18 juillet 2019 à 09h18

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Jeanine Belleperche, 63 ans, rentre chez elle à Flixecourt (Somme) après une journée de travail, le 3 juin.
Jeanine Belleperche, 63 ans, rentre chez elle à Flixecourt (Somme) après une journée de travail, le 3 juin. DIANE GRIMONET / HANS LUCAS POUR « LE MONDE »

Gérard Gomès n’a pas hésité longtemps quand a sonné l’heure de la retraite. Pas question pour cet ancien marin de rester assis dans son canapé à ne rien faire : « Regarder la télé toute la journée, ce n’était pas mon choix », dit-il. Après des missions de consulting pour des multinationales maritimes, il s’est lancé en 2008 dans l’immobilier pour le compte d’un ami promoteur. Pas tant par besoin d’argent – le Rochelais, aujourd’hui âgé de 85 ans, jouit d’une confortable retraite, « environ 3 500 euros par mois » – que pour maintenir son train de vie. Et, aussi, pour pouvoir contribuer avec son frère aux dépenses liées à l’hébergement de leur mère, âgée de 107 ans, dans un Ehpad, et gâter ses arrière-petits-enfants.

« Je me sentais encore utile dans mon travail. C’est là, quand on s’arrête, qu’on commence à vieillir »

Lorsque Yves Chassefaire, 67 ans, a arrêté de travailler, il a eu, lui, le sentiment de se retrouver « au bord de la falaise ». « Un vide immense m’entourait, c’était le début de la fin », se rappelle ce médecin du travail domicilié à Arles (Bouches-du-Rhône). Rappelé par son ancien employeur, il n’est « resté que vingt-cinq jours sans activité ». Aujourd’hui, il vient de « resigner » pour cinq ans. Et d’expliquer : « Je continue à faire quelque chose qui me plaît et qui apporte à l’autre, c’est très gratifiant. Et ça me permet de conserver une activité intellectuelle. »

Farida Harrag a commencé à travailler à 14 ans comme apprentie employée de bureau, pour finir conseillère clientèle dans la télésurveillance. Quarante-cinq années de travail, et « seulement onze mois de chômage ». Alors, la retraite, en juillet 2018, fut synonyme d’« horreur » pour cette Strasbourgeoise de 61 ans. « Je me sentais encore utile dans mon travail, se souvient-elle. C’est là, quand on s’arrête, qu’on commence à vieillir. » Six mois plus tard, son employeur la reprenait en CDI, quatre jours par semaine.

Les femmes cumulent par nécessité économique

Comme Gérard Gomès, Yves Chassefaire ou Farida Harrag, quelque 3 % des retraités du régime général – environ 377 000 personnes – cumulent une pension de retraite et un emploi salarié, le plus souvent à temps partiel, selon une étude de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). Plus de 500 000 personnes sont concernées, si l’on tient compte de l’ensemble des régimes (général, fonction publique, agricole, indépendants). Et bien plus encore avec le travail au noir, par nature difficile à évaluer. « Il y aurait au moins un à deux millions de personnes qui essaient de compenser des petites retraites avec des activités non déclarées », estime Serge Guérin, sociologue spécialiste du vieillissement.

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LJD

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