« Investir dans la capacité d’apprentissage de l’organisation pour la double transition digitale et écologique »
[Quelles sont les conditions pour faire de la France une puissance innovante ? Deux économistes répondent clairement à cette question. Nathalie Greenan est économiste et spécialiste de l’analyse des changements au sein des organisations privées et publiques, de leurs performances économiques et de leurs conséquences pour les salariés et sur le marché du travail. Professeure des universités au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM, Paris) et membre du Laboratoire interdisciplinaire de recherches et sciences de l’action (Lirsa), elle dirige scientifiquement les programmes de recherche transversaux « changements organisationnels, travail et emploi » du Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET) et « politiques des organisations » de la fédération de recherche Théorie, évaluation et politiques publiques (TEPP) du CNRS. Silvia Napolitano est également économiste, spécialisée dans la mesure de la transformation technologique, des pratiques organisationnelles des entreprises et de leurs conséquences socio-économiques, en mobilisant des données combinées à partir des enquêtes européennes auprès des employeurs et des ménages. Elle est chercheuse au CNAM-CEET et associée au Lirsa.]
La capacité d’apprentissage de l’organisation est un facteur d’innovation identifié dans la littérature économique et de gestion, mais la plupart du temps non mesuré et donc absent des études empiriques sur la transformation technologique. Pourtant, ce facteur semble essentiel à la réussite de la double transition digitale et écologique.
En effet, pour passer de la crise et de l’urgence à la transition, c’est-à-dire à une trajectoire de changement progressive et maîtrisée, il ne suffit pas de mettre en place des filets de sécurité ou d’équiper les individus avec des compétences ou même des attitudes particulières. C’est au cœur de nos organisations publiques et privées que doivent se développer les ressources permettant de réduire notre vulnérabilité et d’augmenter notre résilience face aux chocs à venir.
En soutenant les activités d’exploration de champs de connaissances nouvelles, tout en exploitant la connaissance des situations de travail existantes, la capacité d’apprentissage des organisations contribue au déplacement de la frontière technologique (Greenan et Lorenz, 2010 ; Greenan et Napolitano, 2021).
Un tel saut qualitatif est indispensable pour sortir du monde d’hier. Rester focalisé sur le seul objectif d’optimisation des processus existants contribue, en effet, à intensifier le travail (Green et al., 2021, voir la contribution de Maelezig Bigi et Dominique Méda) et à poursuivre une exploitation des ressources naturelles qui n’est plus soutenable. Investir dans la capacité d’apprentissage des organisations est donc un choix essentiel pour prendre le chemin de la transition.
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