Intérim : « Le marché s’est effondré en quarante-huit heures »

Une hécatombe. Voilà le mot qui vient à l’esprit pour décrire les premiers effets de la récession sur les intérimaires. A la fin du premier trimestre, l’emploi de ce type de main-d’œuvre a chuté comme une pierre jetée dans le vide : – 37 % par rapport à fin 2019, soit près de 292 000 postes en moins, selon une « estimation flash » diffusée le 7 mai par l’Insee. Il s’agit de la plus forte diminution depuis la création, en 1990, de cette série statistique.
Les dirigeants des principales entreprises de travail temporaire (ETT) sont à court de mots pour commenter ce qui leur arrive. « C’est la première fois que je vois un phénomène d’une telle brutalité », confie Christophe Catoir, le président France et Europe du Nord d’Adecco, qui évolue dans le monde de l’intérim depuis vingt-sept ans. « Le marché s’est effondré en quarante-huit heures », renchérit Alain Roumilhac, le patron de ManpowerGroup France.
Les données divulguées par l’Insee doivent être maniées avec précaution car de nombreuses ETT ont eu du mal à remplir correctement les déclarations relatives à leurs personnels, souligne Isabelle Eynaud-Chevalier, de Prism’emploi, la principale organisation patronale du secteur. Il faut donc s’attendre à ce que les indicateurs publiés le 7 mai soient révisés dans quelques semaines : « Mais ça ne change rien sur le fond, complète Mme Eynaud-Chevalier. La crise est considérable et elle soulève des problèmes sociaux inédits. »
Industrie et BTP particulièrement touchés
Chaque fois que la croissance pique du nez, les premiers à en faire les frais sont les intérimaires – avec les personnes en contrat à durée déterminée. Un tel phénomène s’était déjà produit, notamment en 2008-2009. Mais cette fois, le coup d’arrêt est d’une violence inégalée. Deux facteurs, au moins, ont joué, selon M. Catoir : « Le confinement en France a été beaucoup plus strict que dans de nombreux autres pays européens », dit-il. En outre, le gouvernement a encouragé les entreprises à recourir au chômage partiel, en réduisant le coût pesant sur elles. Résultat : beaucoup de sociétés ayant opté pour cette solution ont ralenti ou stoppé leur production, ce qui a entraîné le départ des intérimaires, mis à disposition par les ETT.
« Les secteurs qui nourrissent et qui soignent les Français ont réussi à se tenir debout », résume Alain Roumilhac, le patron de ManpowerGroup France
D’après M. Roumilhac, les destructions de postes ont été massives dans l’industrie et, surtout, dans le BTP, où la plupart des chantiers ont été suspendus du jour au lendemain, à la mi-mars. En revanche, plusieurs compartiments de notre économie ont continué à faire appel à des intérimaires, voire à en recruter davantage : l’agroalimentaire, la pharmacie, le transport et la logistique, les activités sociales et médico-sociales, le commerce alimentaire… Autrement dit, « les secteurs qui nourrissent et qui soignent les Français ont réussi à se tenir debout », résume le PDG de ManpowerGroup France.
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