Inflation : la boucle prix-salaires, un risque à ne pas surestimer
« La croissance des salaires (…) a commencé à s’enclencher », assurait, jeudi 9 juin, Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), en annonçant de prochaines hausses de taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation. Un phénomène que les banquiers centraux et les gouvernements, échaudés par le souvenir des années 1970, redoutent par-dessus tout. A l’époque, à la suite du choc pétrolier, et comme les rémunérations étaient automatiquement indexées sur les prix, les fiches de paie ont été régulièrement revalorisées. Pour financer ces augmentations de salaire, les entreprises ont relevé leurs tarifs, alimentant ainsi l’inflation. Cette boucle, ou spirale prix-salaires, a été désamorcée en 1982 en France par la désindexation des salaires de l’indice de prix.
Quarante ans plus tard, la boucle prix-salaires fait figure d’épouvantail. Les données sur les premiers mois de 2022 – avant, donc, la déclaration de Mme Lagarde – semblaient pourtant indiquer que la vague tant redoutée n’était pas encore formée. Alors que l’inflation a atteint 5,2 % sur un an au mois de mai en France, les salaires devraient plutôt grimper de 3,6 %, selon les calculs effectués par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Dans la zone euro, on s’oriente vers « une croissance des salaires d’environ 3 % en 2022 et de 2,5 % en 2023 », explique Philip Lane, économiste en chef de la BCE.
« A ce stade, il est vraiment prématuré de parler de boucle prix-salaires », estime en conséquence Julien Marcilly, économiste en chef de Global Sovereign Advisory. D’autant que le contexte économique a sensiblement changé par rapport aux années 1970. D’abord, les banques centrales n’avaient pas le même rôle de garde-fou dans la lutte contre l’inflation, et leurs avis et décisions étaient moins suivis. Ensuite, les services, qui sont moins inflationnistes que l’industrie, pèsent plus lourd qu’auparavant dans l’économie française. Enfin, après une longue période de plein-emploi et de croissance, les salariés avaient davantage de marge de négociation qu’aujourd’hui face aux employeurs pour améliorer leur paie.
Demandes de revalorisation modérées
« Ce qui est dangereux, ce n’est pas de revaloriser les salaires, c’est de le faire de manière mécanique. L’automaticité de l’indexation rend le phénomène impossible à arrêter », rappelle Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’OFCE. Actuellement, seul le smic reste automatiquement indexé sur l’inflation, ainsi que les pensions de retraite, qui ont toutefois été gelées plusieurs années. Le reste résulte de la négociation, et ne présente donc pas de risque de spirale « s’il s’agit de revalorisations valables pour cette année et rediscutées l’année prochaine en fonction de la situation », poursuit M. Marcilly.
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