Indemnités prud’homales : « Discutable sur le fond, l’avis de la Cour de cassation qui conforte le barème Macron ne lie pas les juges »

Indemnités prud’homales : « Discutable sur le fond, l’avis de la Cour de cassation qui conforte le barème Macron ne lie pas les juges »

Le juriste Julien Icard analyse dans une tribune au « Monde » le raisonnement qui a conduit la Cour de cassation à conforter le barème d’indemnisation pour les licenciements injustifiés, contenus dans les ordonnances Macron.

Publié aujourd’hui à 10h17, mis à jour à 10h29 Temps de Lecture 5 min.

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« Une fois la Charte sociale européenne écartée, la Cour de cassation se prononçait  sur la compatibilité du barème français au seul article 10 de la Convention 158 de l’OIT » Photo :  Cour de Cassation, Ile de la Cité, La Conciergerie , Paris.
« Une fois la Charte sociale européenne écartée, la Cour de cassation se prononçait  sur la compatibilité du barème français au seul article 10 de la Convention 158 de l’OIT » Photo :  Cour de Cassation, Ile de la Cité, La Conciergerie , Paris. Tibor Bognar / Photononstop

Tribune. L’assemblée plénière de la Cour de cassation a tranché, mercredi 17 juillet 2019, la plus sensible et la plus politique des questions juridiques liée aux ordonnances Macron. En adoptant en totalité les conclusions de l’avocate générale, elle a conforté le barème d’indemnisation pour les licenciements injustifiés, jugeant qu’il est compatible avec le droit international du travail.

Ceci s’est passé par la procédure d’avis, qui permet aux juges judiciaires de demander à la Cour de cassation de statuer sur une question de droit nouvelle, sérieuse et se posant dans de nombreux litiges. Sensible, la question dite « de la conventionnalité du barème » l’était sans aucun doute, le barème d’indemnisation ayant été présenté comme le cœur de la réforme Macron du marché du travail.

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La mise en œuvre d’un système de plafond-plancher, dépendant uniquement de l’ancienneté et encadrant la détermination de l’indemnisation versée à un salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, répondait à plusieurs objectifs officiels : traiter de manière plus égalitaire les salariés licenciés injustement ; faciliter les licenciements en permettant aux employeurs de connaître par avance les risques auxquels ils s’exposent ; faire baisser le chômage, la facilitation du licenciement favorisant l’embauche.

Un débat juridique et judiciaire

Le débat sur l’opportunité économique ou sociale du dispositif a pourtant laissé place à un débat juridique et judiciaire. La conformité de cette mesure emblématique était en effet contestée au regard des normes internationales. Avant même la publication des ordonnances Macron, plusieurs juristes spécialistes avaient d’ailleurs souligné le risque de contrariété du dispositif aux normes internationales de l’Organisation internationale du travail (OIT), notamment la Convention nº 158 portant sur le licenciement, et de la Charte sociale européenne, adoptée au sein du Conseil de l’Europe.

Les deux textes internationaux prévoient, en effet, le droit pour le salarié injustement licencié à une indemnité adéquate. Non définie par les textes internationaux, cette notion d’indemnité adéquate pouvait s’interpréter comme excluant toute limitation du pouvoir du juge dans la détermination du montant du préjudice. Prenant appui sur ces réflexions doctrinales, la contestation judiciaire s’est amorcée avec la diffusion par le Syndicat des avocats de France d’un document destiné à faciliter la contestation judiciaire du barème.

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LJD

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