« Il est urgent de repenser le métier de soignant en réanimation »
Tribune. En 1952, une épidémie de poliomyélite frappa le nord de l’Europe. La maladie entraînait une paralysie des muscles respiratoires et les patients mouraient d’asphyxie dans plus de 80 % des cas. A Copenhague (Danemark), une équipe mit en place une technique d’assistance respiratoire qui consistait alors à insuffler manuellement de l’oxygène dans les poumons par l’intermédiaire d’une trachéotomie. Pendant des semaines, des centaines d’étudiants en médecine et d’infirmières, venus de toute la ville, se relayèrent auprès de ces patients dont un nombre élevé fut sauvé. La réanimation était née.
Soixante-huit ans plus tard, l’épidémie d’infections au SARS-CoV-2 – affection qui elle aussi entraîne une insuffisance respiratoire aiguë – a montré combien la réanimation était désormais essentielle à tout système de santé. Entre ces deux épidémies, la réanimation, s’est construite et développée pour devenir une médecine ultraspécialisée dont on mesure aujourd’hui l’importance.
Compétences particulières
Les médecins travaillant dans les services de réanimation doivent disposer de compétences particulières dont atteste leur diplôme. Pourtant, la compétence du seul médecin diplômé en réanimation ne suffit pas, loin de là, à prendre en charge un patient dans sa globalité.
Les personnels paramédicaux, infirmières et infirmiers, aides-soignantes et aides-soignants, kinésithérapeutes et psychologues, sont tous des acteurs-clés de cette prise en charge. L’un ne peut aller sans l’autre, car la réanimation est un travail d’équipe : c’est de la qualité de cette équipe que dépend la qualité de la prise en charge des patients (et donc leur survie) et de leurs proches.
Alors que beaucoup de pays européens reconnaissent et valorisent ces compétences essentielles aux soins et à la sécurité des patients, aucune reconnaissance spécifique du métier d’infirmière ou d’infirmier de réanimation n’existe en France, où les compétences s’acquièrent uniquement par le compagnonnage et avec le temps.
Dans le meilleur des cas, les services de réanimation organisent d’eux-mêmes une période dite « d’adaptation à l’emploi » des « nouveaux ». Cette période « d’intégration » n’est pas prise en compte dans le calcul des effectifs et se réduit parfois à quelques jours, conduisant de jeunes infirmières et infirmiers à exercer un métier exigeant pour lequel ils n’ont pas encore été suffisamment formés.
Détresse psychologique
Au plan individuel et collectif, il s’agit d’une faillite du système avec de jeunes diplômé(e)s dont on éteint l’enthousiasme par manque de formation et d’accompagnement. Il s’agit aussi d’un contresens médical et économique puisque les départs de nombreux personnels entraînent la fermeture de lits, la surcharge de travail pour celles et ceux qui restent, la diminution de la qualité des soins ainsi que l’augmentation des évènements indésirables.
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