Harcèlement : qui doit mener l’enquête interne ?
Carnet de bureau. La dimension psychologique est clé dans les cas de harcèlement au travail. « Avec la libération de la parole, on voit ressortir de vieux dossiers. Les collaborateurs sont partis. Il ne reste plus qu’une parole contre l’autre, avec parfois des affabulations », affirme David Guillouet, avocat associé du cabinet MGG Voltaire. En droit du travail, la prescription commence à partir du moment où l’employeur a connaissance des faits. C’est ce signalement qui marque le point de départ de l’enquête interne exigée par la loi. Mais qui va la mener ?
Dans les entreprises de plus de 250 salariés, un « référent harcèlement » est censé être l’interlocuteur sur le sujet. Le droit du travail (art. L. 1153-5-1) lui confie la tâche « d’orienter, d’informer, d’accompagner les salariés ». Il peut aussi être impliqué dans le déroulement de l’enquête interne, mais sans moyens ni cadre juridique prévus pour mener ce délicat « travail de police ». L’entreprise confie l’enquête soit aux services des ressources humaines (RH), soit à un cabinet extérieur.
Concrètement, c’est souvent l’avocat qui est sollicité en premier, en tant que conseiller récurrent de l’employeur. C’est lui qui va qualifier l’alerte « harcèlement » avant de mettre en place le mécanisme d’enquête approprié. Il travaille à partir de la description des faits établie par le plaignant, le présumé harceleur et les témoins. « Mais notre rôle va s’arrêter à la qualification. Quand il va falloir faire retravailler les gens ensemble, reconstruire le lien managérial, ce n’est plus de la compétence de l’avocat », explique David Guillouet. Depuis peu, on voit des entreprises qui en plus de l’avocat missionnent des psychologues cliniciens pour conduire l’enquête.
Une question juridique
Une fois la méthodologie présentée au référent et aux élus pour valider la probité de la démarche, le psychologue va analyser le contexte pour comprendre comment les salariés en sont arrivés là. Soit il y a harcèlement, soit il n’y a pas harcèlement, soit il y a instrumentalisation de cette qualification.
« Le rôle du psychologue est de distinguer qui fait mal et ce qui fait mal. Un système de risques ne justifie pas des comportements déviants. Mais le harcèlement est beaucoup plus souvent un problème collectif que le fait d’un seul pervers narcissique. Ce peut être un masquage pour faire taire des témoins. En entreprise, harcèlement, fraude et corruption sont très liés. Dans une affaire récente, la directrice d’une agence commerciale a ainsi été mise en cause pour harcèlement moral au moment où elle révélait des fraudes à l’horodatage. Si on se limite à la qualification des faits, le risque est la réitération », explique Gilles Riou, psychologue clinicien du cabinet Egidio.
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