« Grande démission » : les Etats-Unis inventent l’entretien de fidélisation
L’envie de quitter son emploi a fait des ravages aux Etats-Unis. En 2021, près de 48 millions d’Américains ont participé au mouvement de la « grande démission ». Et cette année encore, les départs sont massifs : 4,5 millions en mars, 4,4 millions en avril… D’où les sueurs froides des services de ressources humaines des entreprises qui cherchent frénétiquement comment retenir les meilleurs.
« Avant la pandémie, c’est l’employeur qui détenait le pouvoir. Mais aujourd’hui la balance penche en faveur des employés », souligne Brooks Holtom, professeur de la McDonough School of Business à l’université Georgetown. C’est pourquoi depuis quelques mois un nombre croissant d’employeurs tentent de mieux saisir l’état d’esprit de leurs troupes, espérant ainsi les garder bien au chaud dans l’entreprise.
Un café ou une promenade
Et pour comprendre, on pose des questions. Cela s’appelle la stay interview, littéralement « l’interview pour rester » ou encore « l’entretien de fidélisation ». Paul Lewis, responsable clientèle du moteur de recherche Adzuna (100 salariés) conseille une conversation très informelle. On va prendre un café, ou on fait une promenade. Le face-à-face se veut régulier, environ tous les trois mois.
Brian Kropp, l’expert en ressources humaines du groupe d’études Gartner évoque lui aussi un entretien « semi-structuré », à un moment où justement le risque de départ se fait plus sentir. L’analyste cite l’anniversaire du salarié, l’arrivée d’un nouveau chef ou encore une réunion d’anciens copains de classe, comme d’éventuels « déclencheurs » d’une envie d’aller voir ailleurs. Les questions se veulent simples, amicales, sans aucun risque de représailles. « Comment vous sentez-vous ? Qu’est-ce qui vous fait venir au bureau ? Y a-t-il quelque chose qui vous déplaît ? Comment voyez-vous votre carrière à terme ? », suggère M. Lewis.
Kate Grimaldi, responsable talents de Paylocity, un éditeur de logiciels pour les ressources humaines (5 000 employés) pousse l’enquête un peu plus loin. « Qu’est-ce qui vous inciterait à regarder ailleurs ? Est-ce que vous vous sentez reconnu ? Voulez-vous faire autre chose ? » Et d’ajouter son interrogation préférée : « Si vous partez demain, que se passera-t-il ? » « Lorsqu’on me répond “personne ne s’en apercevra”, je vois tout de suite que l’employé est démobilisé et qu’il n’a plus de liens avec son équipe. »
Qui devrait réaliser l’entretien ? Le plus souvent le chef de service. « Si le salarié est jeune, sa plus grande préoccupation est le développement de sa carrière, dit le professeur Holtom. Et 70 % du développement dépend du poste de travail. Son manageur doit être impliqué. » « Les gens ne quittent pas leur entreprise, ils quittent leur manageur », renchérit Annette Reavis, la responsable des ressources humaines de la plate-forme de gestion du travail Envoy (deux cent soixante-quinze personnes) en Californie.
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