Faible mobilisation et front syndical désuni contre la réforme de l’assurance-chômage
Quelques centaines de manifestants pour défendre le sort de millions de personnes inscrites à Pôle emploi… Le gouvernement n’a pas de mouron à se faire : bien que l’ensemble des syndicats y soient hostiles, la réforme de l’assurance-chômage ne déclenche, à ce stade, aucune mobilisation de grande ampleur.
Mardi 25 juin, ils étaient environ trois cents à s’être donné rendez-vous sous les fenêtres du ministère du travail, à l’angle de la rue de Grenelle et du boulevard des Invalides. Une initiative lancée par plusieurs confédérations de salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC, UNSA) et une organisation étudiante (FAGE), à laquelle s’étaient joints des représentants de plusieurs associations (comme Solidarités nouvelles face au chômage).
Leur but : exprimer tout le mal qu’ils pensent des mesures dévoilées le 18 juin par l’exécutif pour transformer le système d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Ces changements devraient avoir pour effet de réduire les dépenses de 3,75 milliards d’euros (de novembre 2019 à fin 2021), une partie de ces gains (350 millions) devant être réinjectés dans l’accompagnement des chômeurs, ce qui engendrerait au total 3,4 milliards d’économies.
Chaque personne présente mardi a pu constater combien il est difficile de sensibiliser l’opinion sur un tel sujet. « Il y a plus de CRS que de syndicalistes », plaisantait – à moitié – François Hommeril, le numéro un de la CFE-CGC, au tout début du rassemblement.
Même si elles savaient à l’avance qu’il n’y aurait pas foule, les organisations à l’origine de cette action tenaient à marquer le coup, face à un projet « proprement scandaleux et injuste », selon Laurent Berger. Une semaine après les annonces gouvernementales, la colère du secrétaire général de la CFDT n’est pas retombée. Critiquant à nouveau la « logique purement budgétaire » des dispositions prises, il s’est élevé face à l’« espèce de cynisme » de l’exécutif, qui cherche à suggérer que « quand on est au chômage, on l’a bien cherché ». « Ce n’est pas vrai ! », a-t-il martelé.
« Ce sont les plus précaires, ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi, ceux qui enchaînent les CDD qui vont être les premiers touchés et à ça, on s’y oppose formellement », a déclaré Philippe Louis, président de la CFTC.
« On ne pouvait pas laisser passer ça sans rien dire, surtout au moment où le président de la République parle de virage social… », a complété Laurent Escure, secrétaire général de l’UNSA.
Une fois de plus, les syndicats n’ont pas réussi à constituer un front uni alors même que leur analyse sur le fond est identique. Force ouvrière était absente, mardi. Son leader, Yves Veyrier, explique avoir découvert l’initiative des centrales dites « réformistes » au moment où elle a été rendue publique, soit aussitôt après la présentation de la réforme, le 18 juin. Quant à la CGT, elle devait organiser un rassemblement, mercredi, devant le siège de l’Unédic – l’association paritaire qui gère l’assurance-chômage.
En ordre dispersé
« Cette mobilisation étant prévue depuis plusieurs mois, nous sommes restés dessus, indique Denis Gravouil, représentant de la centrale de Montreuil (Seine-Saint-Denis). La CFDT a sorti la semaine dernière son appel à une manifestation symbolique. Ni moi ni quiconque à la CGT n’avons été contactés à ce sujet. »
Mardi, M. Berger a, pour sa part, affirmé avoir « proposé de faire cette initiative ». Interrogé plusieurs fois sur la réaction en ordre dispersé des confédérations, il a fini par lâcher, agacé : « Si vous voulez faire de cette mobilisation un élément de discussion sur l’unité syndicale, vous repasserez. C’est pas le sujet d’aujourd’hui. »
Plusieurs responsables de centrales espèrent cependant qu’ils parviendront à resserrer les rangs. M. Veyrier assure se placer dans cette optique. « Il reste des choses à construire ensemble », d’après M. Hommeril. Mais l’idée d’une intersyndicale – que M. Gravouil dit avoir proposée à la CFDT depuis février, sans succès – tarde à se concrétiser.