« Ethique de la pratique ordinaire » : le poids des normes au travail

« Ethique de la pratique ordinaire » : le poids des normes au travail

Le livre. A quoi tient ce sentiment, si répandu aujourd’hui, d’une brutalisation croissante des rapports sociaux ? D’où provient le constat désabusé de ne pas parvenir à donner priorité à ce que nous tenons pour important et de céder sans cesse à des contraintes secondaires, voire dérisoires ? Dans Ethique de la pratique ordinaire (Pocket), Pierre-Olivier Monteil souligne la nécessité de personnaliser les relations dans le travail comme dans la vie courante. Il donne des conseils aux manageurs et aux collaborateurs d’entreprise en quête d’efficacité comme de sens.

Pour comprendre la restriction de nos marges de manœuvre, qui nous livrent à un monde d’automatismes et de fonctionnalités, le docteur en philosophie politique et chercheur associé au Fonds Ricœur interroge la prolifération des règles, des normes et des procédures de toutes sortes. Un phénomène, estime l’auteur, à dénoncer et à contenir. « Il multiplie les situations dans lesquelles nous nous trouvons embrigadés dans des conduites sans âme, que nous menons à bien pour l’unique raison qu’elles sont obligatoires et sans avoir toujours la conviction qu’elles sont appropriées. C’est le cas d’un nombre incalculable d’actes professionnels. »

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Le problème n’est pas la norme en tant que telle, mais ses pathologies. Sa prolifération infantilise et dissuade l’inventivité et la responsabilité. Sa traduction bénigne est fournie par l’allumeur de réverbères du Petit Prince, de Saint-Exupéry qui, pour respecter la consigne, passe son temps à allumer et à éteindre sa lanterne.

L’auteur, qui enseigne l’éthique appliquée à l’université Paris-Dauphine-PSL, à l’ESCP Business School et à Sorbonne-Université, pointe aussi le problème de la conception et la formalisation du pouvoir dans les organisations de travail. L’obéissance formelle à une autorité extérieure tarit l’énergie et l’inventivité des savoir-faire informels. Tout rationaliser est donc une illusion.

Ethique, confiance, créativité

L’ouvrage invite le management à se montrer plus courageux, en laissant davantage de liberté à l’équipe, au lieu de s’échiner à lui dicter son travail. Imposer de l’extérieur le sens de l’activité en se focalisant sur les motivations extrinsèques comme le salaire, la carrière, le pouvoir ou le prestige attaché à la tâche, c’est ne pas prendre en compte les motivations intrinsèques que procure l’activité en elle-même et qui passent par l’éthique et les valeurs, la solidarité et la confiance, l’autonomie et la créativité.

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Alors que le modèle marchand conduit « à dépersonnaliser la relation en concentrant l’attention sur les biens échangés plutôt que sur les personnes en train d’échanger », l’ouvrage promeut un usage plus réfléchi des normes, un recours plus mesuré aux moyens techniques, et une conviction plus aiguë des limites de la logique marchande.

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LJD

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