Entre baisse des salaires et préservation de l’emploi, une équation difficile à résoudre
Baisser les rémunérations pour sauver des emplois : l’idée peut paraître saugrenue lorsque, comme le martèlent les économistes, la consommation des ménages est l’une des clés de la reprise. « Le comportement d’épargne ou de consommation des ménages est vraiment le point fondamental qui va driver, ou non, une reprise robuste », a rappelé, mercredi 10 juin, Louis Boisset, économiste chez BNP Paribas, lors d’une présentation à la presse. Un argument qu’a parfaitement compris, entre autres, Yves Veyrier, le secrétaire général de Force ouvrière. « Si on baisse les salaires, les salariés dépenseront moins, ils ne vont pas consommer, et cela aura des conséquences pour un certain nombre d’activités déjà en difficulté, comme le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, les voitures, explique-t-il. Si on pèse sur la confiance des ménages et leur capacité à consommer, ce sera contre-productif pour l’emploi. En voulant soigner le mal, on l’aura aggravé. »
Le risque d’une baisse généralisée des salaires, effectivement, serait de provoquer une spirale déflationniste : la baisse des rémunérations entraînant une baisse de la demande qui aggraverait les difficultés des entreprises et ainsi de suite. Mais, alors, faut-il que les sociétés, dont le taux de marge devrait perdre quasiment deux points en 2020 par rapport à 2019, assument seules les pertes occasionnées par la crise, au risque de dégrader encore leurs marges et, à terme, de mettre leurs salariés au chômage ?
« Pas de réponse toute faite »
« En réalité, il n’y a pas de réponse toute faite à cette question », souligne Denis Ferrand, directeur général de Rexecode. Car elle renvoie en effet à une dimension macroéconomique – celle du fonctionnement de toute l’économie – et à des problématiques microéconomiques, à l’échelle des entreprises. Comment réconcilier les deux approches, et permettre aux firmes en difficulté de sortir la tête de l’eau sans recourir aux licenciements et sans baisser les rémunérations ?
Pour Patrick Artus, chef économiste chez Natixis, « il y a deux façons de s’en sortir » pour une société confrontée au dilemme licenciements ou baisse des rémunérations. « Soit l’Etat subventionne l’entreprise en difficulté pour qu’elle garde ses salariés, soit il compense le manque à gagner pour les salariés ». En tout état de cause, le dispositif induit un coût pour l’Etat qui suppose qu’il soit utilisé à bon escient. « Si l’entreprise ne sait pas où elle va, cela ne sert de toute façon à rien, poursuit l’économiste. Il vaut mieux dans ce cas utiliser l’argent public autrement, par exemple à financer la requalification des salariés pour organiser leur transition vers un autre emploi. »
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