Enfants d’agriculteurs le « retour à la terre »
Ils ont fréquemment fait des études supérieures, voyagé, vécu en ville, puis sont revenus « à la ferme », avec un regard neuf sur l’activité familiale. Témoignages de cette génération qui veut régénérer les pratiques agricoles.
L’instant de la moisson est sa madeleine de Proust. Quand il évoque ses souvenirs d’enfant, Guillaume Fourdinier, 31 ans, parle avec émotion de la ferme de ses parents, sur la côte d’Opale. Ses odeurs, le bon goût d’un fruit mûr juste cueilli, les repas où l’on mange les produits des fermes voisines, les jeux sur le tracteur paternel.
Emile et Jules Winocour, 35 ans et 31 ans ont, eux, vécu dans une ferme à l’orée de la forêt de Rambouillet. Et eux aussi sont imprégnés de ce moment si distinctif qui cristallise la fin d’une récolte : la moisson, à la fin de l’été, synonyme de fête et d’accomplissement dans l’année.
Tous les trois ont fait des études à l’université. Ils ont voyagé, vécu à l’étranger, en ville, puis ils sont de retour dans le monde agricole, avec des idées et un regard neuf sur l’activité familiale. « Les parents encouragent les enfants à se constituer un capital scolaire car la construction d’un revenu agricole est de plus en plus incertaine, explique François Purseigle, coauteur de Sociologie des mondes agricoles (Armand Colin, 2013, 320 p.,) avec Bertrand Hervieu. Depuis les années 2000, le niveau de formation des chefs d’exploitation n’a pas cessé de croître. En 2010, 17 % d’entre eux avaient un diplôme d’études supérieures. Ils n’étaient que 11 % en 2000. Les jeunes actifs agricoles sont aussi mieux formés que leurs aînés. »
« Quelques hectares de bio »
« Reprendre la ferme » n’est plus systématique, même si l’agriculture figure parmi les univers professionnels où la transmission intrafamiliale est la plus forte. Selon l’Insee, 46 % des fils d’agriculteurs deviennent ouvriers ou employés, 26 % exercent une métier intermédiaire ou deviennent cadres et 28 % conservent un statut d’indépendant.
« Je suis de plus en plus captivé par l’agriculture. Mais pas celle de mes parents, conventionnelle, intensive »
Alexis B., enfant d’agriculteurs céréaliers dans le Val-d’Oise, est de ceux qui posent en question les pratiques de leurs parents. Encouragé à faire des études, il est diplômé de l’Ensae ParisTech en 2011. Il commence sa vie professionnelle à Londres, dans la recherche, la finance, le journalisme économique. De retour en France, à 25 ans, il choisit de passer l’agrégation de philosophie. « L’économie, mes parents trouvaient ça prestigieux, mais la philosophie, ils ont eu trop de mal à accepter », déclare aujourd’hui ce jeune enseignant de 30 ans, qui s’interroge peu à peu sur son envie de reprendre la ferme familiale.