En Allemagne, IG Metall veut amortir le choc sur l’emploi de la voiture électrique
Esslingue est une de ces villes industrielles cossues de la banlieue de Stuttgart, en Bade-Wurtemberg. Derrière la gare, un flanc de coteau est couvert de rangs de vignes exploitées par des passionnés. Ici, la prospérité est partout, luxuriante. Si elle n’était pas intimement liée au moteur à explosion, on pourrait presque la croire éternelle.
L’impression est trompeuse. Chez Eberspächer, le grand industriel d’Esslingue, on est, depuis quelques mois, plus anxieux qu’auparavant, en passant devant l’histoire de l’entreprise familiale, exposée au rez-de-chaussée. Au commencement, il y a Jakob Eberspächer, fier maître plombier à la moustache en chevron, qui fonde, en 1865, un atelier de construction de verrières à structure métallique. Ce n’est qu’en 1933 que l’entreprise fait le virage qui fera sa fortune actuelle : les descendants de Jakob transforment la production de structures métalliques en fabrication des premiers silencieux de pot d’échappement. Eberspächer est aujourd’hui un des plus grands équipementiers allemands de « technologies d’échappement », spécialisé dans la réduction du bruit et le traitement des gaz des véhicules thermiques.
L’année 2020 aura sûrement aussi sa place dans la chronique de l’entreprise. C’est l’année où Eberspächer, ébranlé à la fois par les conséquences de la pandémie de Covid-19 et la fin d’une phase de haute conjoncture dans l’automobile, a essuyé une perte de 53 millions d’euros. Il a dû fermer sa dernière usine à Esslingue, délocalisée en Pologne. Le groupe a pris acte du déclin définitif du moteur à explosion. Le 21 mai 2021, Eberspächer a annoncé la scission des techniques d’échappement au sein d’une nouvelle entité. Ces activités, qui représentent encore 90 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, doivent continuer à fournir les marchés qui utiliseront encore longtemps le moteur à explosion. Ses bénéfices doivent financer la transition du reste de l’entreprise vers l’électrique et la conduite autonome.
2,2 millions de salariés
L’histoire d’Eberspächer est emblématique de tous les sous-traitants de l’industrie automobile allemande. Avec le moteur électrique, plus de pots d’échappement, plus de bielles, plus de pistons, plus de soupapes : toutes ces pièces métalliques de grande précision, souvent fabriquées par des PME, sont, à terme, condamnées. Ces dernières semaines, la tension est montée d’un cran chez IG Metall, le grand syndicat de l’industrie. Sous la pression d’un arrêt de la Cour constitutionnelle allemande, l’Allemagne a décidé de renforcer ses objectifs climatiques. « Cela signifie que nous allons avoir besoin de beaucoup plus de véhicules électriques qu’anticipé jusqu’ici. Au lieu de 8 millions à 10 millions, d’ici à la fin de la décennie, ce sont 14 millions à 16 millions qui devront circuler sur les routes allemandes », souligne Kai Bliesener, expert chez IG Metall.
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