En Afrique, la propagation d’Internet bénéficie pareillement aux travailleurs non diplômés
Paul Seabright, Professeur à l’Institut d’études avancées de Toulouse
Une étude américaine affirme que la parvenue sur la côte africaine de câbles sous-marins qui procurent un accès haut débit entraîne un accroissement de l’emploi, qualifié et non qualifié, explique le professeur d’économie Paul Seabright.
L’objectif de la technologie informatique sur l’emploi dans les pays développés fait grand débat, et plusieurs études annoncent un risque d’aggravation des inégalités à cause d’une baisse du nombre d’emplois peu qualifiés. En revanche, nous en savons beaucoup moins sur l’impact dans les pays pauvres. L’Internet serait-il un facteur de hausse des différences en Afrique par exemple ? Et quel seront ses effets sur l’activité économique ? Servira-t-il principalement à la propagation des réseaux sociaux et à la consommation de vidéos de chats, ou aura-t-il un impact en profondeur sur le fonctionnement des entreprises ?
Une étude présentée dans une revue phare américaine répond à ces questions de manière très positive (« The Arrival of Fast Internet and Employment in Africa », par Jonas Hjort et Jonas Poulsen, American Economic Review 2019, vol. 109, https://doi.org/10.1257/aer.20161385). La méthodologie des experts est rigoureuse : il ne suffit pas de comparer l’ensemble des zones qui ont l’accès à l’Internet à l’ensemble de celles qui n’en ont pas, qui pourraient être différentes à bien d’autres égards. Ils examinent l’arrivée sur la côte africaine de câbles sous-marins qui fournissent un accès haut débit. Ils comparent les changements d’activité économique depuis l’arrivée du câble avec ceux sur la même période dans des zones semblables où, en raison des aléas du timing, le câble sous-marin est arrivé à un autre moment.
« Il s’agit d’une vraie création d’activité économique, et non pas d’une relocalisation d’activité des zones non connectées vers des zones connectées »
Les auteurs enregistrent une hausse de la probabilité de l’emploi des travailleurs africains due à l’arrivée des câbles sous-marins entre 3,1 % et 13,9 % selon le pays en question. Ce qui est plus encourageant encore est que, si les travailleurs diplômés voient une augmentation de la probabilité d’avoir un emploi qualifié, les travailleurs non diplômés ont aussi un accroissement de leur apparence d’emploi dans un emploi non qualifié.
Inversement à ce qu’on aurait pu entendre (et contrairement au constat dans les pays industrialisés), les nouveaux emplois qualifiés n’arrivent pas au détriment des emplois non qualifiés. Les auteurs constatent aussi qu’ils ne viennent pas non plus au préjudice des emplois dans des zones voisines. Il s’agit d’une vraie création d’activité économique, et non pas d’une relocalisation d’activité des zones non connectées vers des zones connectées.