Emploi et handicap : Philippa Motte, briseuse de tabou

Emploi et handicap : Philippa Motte, briseuse de tabou

Philippa Motte, consultante et formatrice spécialisée dans la santé mentale et le handicap psychique au travail, à son domicile parisien, le 22 mars 2021.

Philippa Motte est une pionnière. Depuis une dizaine d’années, cette consultante indépendante est spécialisée dans la formation et l’information des entreprises et des pouvoirs publics sur un sujet encore mal connu, voire tabou : le handicap psychique. Depuis deux ans, la quadragénaire accompagne également en individuel des personnes touchées et leurs proches. Ses objectifs sont triples. Il s’agit pour cette battante de lutter contre les discriminations à l’encontre des personnes victimes de maladies psychiatriques, de favoriser leur inclusion dans la société et le monde du travail et de les aider à trouver en elles les capacités pour s’en sortir.

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Le chantier est vaste. Tout reste à faire. Et ça tombe bien : « J’ai toujours aimé les grandes causes », confie Philippa Motte, qui travaille en partenariat avec le Comité national coordination action handicap (CCAH) et avec l’association Clubhouse France. Ce lieu d’accueil de jour, non médicalisé, accompagne dans leur réinsertion les personnes atteintes de troubles psychiques. Cet accompagnement se fonde sur la « pair-aidance », cette entraide des personnes touchées. Un modèle qui a fait ses preuves depuis plus de soixante ans dans plus d’une trentaine de pays. Le premier Clubhouse français a été ouvert à Paris en 2011. Forte de sa réussite, l’association essaime sur le territoire national : à Bordeaux, Lyon, Nantes…

Philippa puise sa force dans sa propre histoire et dans son long combat avec un handicap invisible. « J’ai un parcours psychiatrique très lourd », raconte-t-elle. Impossible pourtant de deviner, derrière son lumineux sourire, cette vulnérabilité cachée. A l’âge de 20 ans, l’avenir lui souriait. « J’étais quelqu’un d’assez joyeux. Mais à la suite d’événements personnels, je suis entrée dans une dépression assez sévère. » Un antidépresseur lui est prescrit, qu’elle arrête « un peu intempestivement ». La jeune femme bascule alors « dans une crise psychique grave, avec des hallucinations, un sentiment de persécution et une forte dimension mystique ». Interpellée par la police, elle refuse de coopérer et se retrouve « menottée, plaquée au sol ». Terrifiée, incapable de décliner son identité, elle est conduite à l’infirmerie psychiatrique de la Préfecture de police de Paris. Mise à l’isolement, « piquée de force », elle y restera soixante-douze heures.

Internement sous contrainte

Suivent « une dépression très profonde » et deux mois d’hospitalisation. Le diagnostic tombe, sans vraiment la convaincre : trouble bipolaire. De fait, lors de sa dernière crise, il y a deux ans, un autre diagnostic sera posé : une triade associant une forme d’épilepsie, un haut potentiel et un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDHA).

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