Emploi des femmes : « Il faut créer de nouveaux liens contractuels, tant dans le couple que dans les milieux professionnels »
Les métaphores du plafond de verre rendent mal compte de la place des femmes dans le monde du travail. Les hommes, agglutinés dans les lieux de pouvoir, occultent en réalité totalement la lumière – même si, aujourd’hui, filtrent enfin quelques lueurs du ciel grâce aux évolutions de la population cadre féminine et aux quotas. Et parlons plutôt de murs de béton, car, excepté dans les métiers du numérique, rien ne bouge : sur 87 familles de métiers, seules 13 peuvent être considérées comme mixtes, c’est-à-dire comportant 40 % d’un sexe donné. L’image de deux ascenseurs me semple plus adaptée. Celui des hommes est moderne, rapide et bien huilé ; celui des femmes est grippé par un mal qui ronge et coince les rouages à tous les étages, le sexisme.
Et c’est à l’étage le plus haut que cela coince le plus, celui de la gouvernance : un espace occupé par les « hommes du 6e étage », pour parodier le titre du film de Philippe Le Guay Les Femmes du 6e étage (2011) – nous opérons là un renouvellement de la sociologie des immeubles, puisque cet espace était autrefois dévolu au personnel domestique. La charge même de l’ascenseur des femmes diffère au fil des ans : voilà qu’à 30 ans montent les enfants et, à 50 ans, les parents âgés, dont elles doivent s’occuper.
Quels que soient les secteurs, les femmes s’éclipsent au fil des étages : si l’on compte 50 % de femmes dans une organisation de travail, il ne reste plus que 35 % de femmes cadres supérieures et 15 % de cadres dirigeantes. L’opting out, c’est-à-dire le fait de partir en renonçant à des postes de pouvoir, renforce ce phénomène et montre que les femmes veulent jouer à un autre jeu : pas seulement gagner leur vie, mais valoriser le capital humain et être citoyennes du monde. Cette fuite des talents doit interroger sur notre modèle de gouvernance.
Passage obligé
Alors que faire ? Conserver le modèle actuel mais le rendre plus inclusif pour les femmes, grâce aux quotas, à l’attention portée aux biais de genre dans les procédures formelles et informelles de gestion des carrières ? S’attaquer au sexisme ordinaire en entreprise ? Certes, cela est indispensable, mais encore insuffisant. Seule issue : créer de nouveaux liens contractuels, tant dans le couple que dans les milieux professionnels.
En effet, les régimes matrimoniaux sont des contrats portant sur l’argent, mais jamais sur le temps, qui est pourtant une ressource fondamentale. L’argent est du côté des hommes et le temps du côté des femmes : l’un vaut quelque chose, et le droit s’en mêle ; l’autre ne vaut rien, et le droit n’y touche pas, car il apparaît comme relevant du domaine du don, de la gratuité, comme une ressource féminine qui n’a pas de prix.
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