Elena Mascova et Arnaud Mias, sociologues : « Dans l’entreprise, les intérimaires n’ont pas leur mot à dire sur leur travail »

Elena Mascova et Arnaud Mias, sociologues : « Dans l’entreprise, les intérimaires n’ont pas leur mot à dire sur leur travail »

Coauteurs de l’ouvrage collectif La Condition intérimaire (aux éditions La Dispute), les sociologues Elena Mascova, du cabinet IRTEM, et Arnaud Mias, de l’université Paris Dauphine-PSL, développent dans une interview au Monde ce que recouvre l’expérience totale de l’intérim : la rudesse des conditions de travail et l’exclusion du collectif de travail, notamment.

Vous vous intéressez dans votre ouvrage aux conditions de travail des intérimaires plus qu’aux enjeux d’emploi auxquels ils sont confrontés. Pourquoi avoir privilégié cette approche ?

Arnaud Mias. Les premiers travaux sur l’intérim, menés voici plus de vingt ans, ont eu tendance à mettre en lumière l’hétérogénéité des expériences de l’intérim : certains travailleurs ne font que quelques heures, d’autres sont à temps plein, d’autres encore s’en saisissent comme une voie d’entrée dans le monde du travail… En insistant sur cette diversité des parcours, on prend le risque de minimiser la question des conditions d’exercice. Nous avons donc souhaité nous pencher prioritairement, non sur le rapport à l’emploi, mais sur les conditions de travail, en identifiant des traits communs aux parcours intérimaires. C’est d’ailleurs pour cela que l’usage du singulier a été retenu pour le titre de l’ouvrage, La Condition intérimaire – en écho au travail de Simone Weil (1909-1943) et à son ouvrage La Condition ouvrière.

Cette « condition intérimaire » apparaît d’abord comme l’expérience d’une « fragilité », qui peut toucher les travailleurs sur le plan tant physique que psychique…

Arnaud Mias. Nous avons souhaité rendre compte de l’expérience de l’intérim dans sa globalité. On parle souvent, à juste titre, d’une fréquence des accidents du travail alarmante chez les intérimaires. Mais, au-delà, il nous a semblé important d’interroger l’expérience totale de l’intérim, en évoquant les relations de travail, y compris le mépris qui peut parfois être ressenti, le manque de reconnaissance, l’impossibilité de se voir reconnaître une qualification…

Elena Mascova. Au cours des entretiens que nous avons menés, les intérimaires ont aussi insisté sur le fait que leur statut leur impose de toujours faire leurs preuves. La question du surinvestissement qui leur est demandé et de ses conséquences se pose donc également. Dans les collectifs de travail, la répartition de la pénibilité est d’ailleurs un enjeu de rapports sociaux très important.

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LJD

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