Droit du travail : « Les trois victimes des ordonnances Macron »

Droit du travail : « Les trois victimes des ordonnances Macron »

Ne cherchez pas le terme « pénibilité » dans le document d’orientation transmis fin novembre par le ministère du travail aux partenaires sociaux, en vue de la négociation sur l’amélioration de l’emploi des seniors et la prévention de l’usure professionnelle. Depuis 2017, le président de la République a souhaité bannir ce mot du vocabulaire macroniste, estimant, lors d’un déplacement, le 3 octobre 2019, à Rodez, qu’il « donne le sentiment que le travail serait pénible ».

Au-delà des considérations sémantiques, Emmanuel Macron a joint le geste à la parole et a fait une première victime avec les ordonnances travail, au tout début du premier quinquennat. Celles-ci ont largement amoindri la portée du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) mis en place par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault en 2015.

Le compte professionnel de prévention (C2P) qui l’a supplanté a éliminé quatre des six critères d’exposition qui ouvraient droit précédemment à un départ anticipé en retraite ou à un travail à temps partiel en fin de carrière, ou encore à une reconversion professionnelle. Et pas des moindres : port de charges lourdes, postures pénibles, produits chimiques dangereux et vibrations mécaniques.

De plus, comme l’a constaté un rapport de la Cour des comptes, la logique du C3P était aussi d’« inciter les employeurs à réduire l’exposition de leurs salariés à la pénibilité en faisant peser sur eux une cotisation spécifique. Or cette ambition a été abandonnée dès 2017 : le dispositif n’a donc plus aucune vertu de prévention. (…) Le compte professionnel de prévention (C2P) dans ses modalités actuelles n’est pas à la hauteur des objectifs qui lui étaient assignés, dans un contexte où l’âge de départ en retraite recule par ailleurs. » (« Les politiques publiques de prévention en santé au travail dans les entreprises », décembre 2022).

Résultat affligeant

Le résultat est catastrophique du point de vue des médecins du travail, qui s’arrachent les cheveux pour gérer les inaptitudes médicales des salariés usés et les tentatives d’aménagement de poste pour éviter leur licenciement. Malheureusement souvent sans succès. Même s’il n’existe pas de statistique officielle quant au nombre de licenciements pour inaptitude médicale, un rapport aux ministres du travail et des affaires sociales avance le chiffre de 95 % de salariés licenciés chez les inaptes (rapport du groupe de travail « Aptitude et médecine du travail », mai 2015). La situation aurait mérité que cette question de la pénibilité du travail et de ses conséquences sur la santé, l’employabilité et l’espérance de vie sans incapacité des travailleurs vieillissants soit correctement traitée avant même la dernière réforme des retraites. Il n’en a rien été.

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LJD

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