Dominique Méda, sociologue : « Pour réussir la transition climatique, il faut engager dès maintenant la formation et la reconversion des emplois »
La route vers la neutralité carbone promet un bouleversement important du marché du travail : la fin annoncée des véhicules thermiques modifie déjà le secteur de l’automobile et la fin progressive d’activités polluantes va peser sur plusieurs industries. A l’inverse, certains secteurs devraient voir leurs effectifs augmenter, notamment dans les énergies renouvelables ou la rénovation des bâtiments. Mais ce chemin est semé d’embûches et fait naître des craintes sur les risques pour les salariés et les entreprises. La transition climatique peut-elle se faire sans détruire des centaines de milliers d’emplois ? Dans quel secteur est-il possible d’en créer de nouveaux ? Comment faire pour mettre en place la formation et les outils nécessaires pour réussir à complètement transformer le marché du travail ?
Pour répondre à ces questions, cet épisode du podcast « Chaleur humaine », diffusé le 18 avril 2023 sur le site du Monde, donne la parole à Dominique Méda, sociologue spécialiste du travail. Nous en publions ici des extraits.
Pour atteindre la neutralité carbone, il faut se débarrasser des énergies fossiles : le pétrole, le gaz, le charbon. Concrètement, cela veut dire que des pans entiers de l’économie doivent se transformer et donc que des emplois risquent de disparaître. De quoi parle-t-on ?
Des secteurs qui émettent des gaz à effet de serre, qu’il va falloir considérablement réduire ; par exemple, la voiture thermique, celle dont l’Europe nous dit qu’elle ne sera plus en vente en 2035, mais aussi l’agriculture intensive, des industries comme le ciment, etc. Dans tous ces secteurs il y a en effet des emplois qui vont devoir se transformer. Toute la question est la simultanéité entre la disparition de ces emplois et la création de nouveaux emplois. Ça ne va pas se faire du jour au lendemain, d’où la nécessité absolue d’anticiper, c’est-à-dire vraiment de faire un grand scénario, sans doute à vingt ans. Donc mettez-nous au travail ! Repérons les secteurs menacés, les entreprises menacées, et mettons en place toutes les politiques publiques, toutes les aides, toute la concentration d’intelligence qu’on peut avoir pour aider à leur transformation.
Dans le secteur de l’automobile par exemple, le travail mené par le groupe de réflexion The Shift Project estime que 300 000 emplois pourraient être détruits…
Le problème, c’est qu’il faut supprimer peu à peu les véhicules thermiques, passer au véhicule électrique, et peut-être ne pas conserver le même nombre de véhicules en général. On sait qu’il faut développer le vélo, la marche, plein d’autres moyens de transport plus doux, mais le problème c’est qu’on a besoin de beaucoup moins de main-d’œuvre pour fabriquer un moteur électrique, environ 60 % de moins.
Il vous reste 85.65% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.