Dirigeants, salariés : des malentendus à répétition
Il existe, malgré les apparences, un véritable fossé entre les attentes des salariés et celles des dirigeants d’entreprise comme le revèle dans sa chronique la journaliste au « Monde » Annie Kahn.
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Ma vie boîte. Tout dirigeant se doit désormais de l’affirmer, la main sur le cœur : le personnel est le principal actif d’une entreprise. C’est pourquoi les budgets et le temps consacrés au recrutement sont conséquents. C’est aussi la raison pour laquelle les directions des ressources humaines se mobilisent pour figurer dans les palmarès des entreprises où il fait bon vivre, prêtent une oreille attentive aux discours sur la génération Y ou Z et sur les nouvelles méthodes de management participatives.
Peine perdue. Car une enquête publiée le 20 juin par Audencia, école de management européenne, réalisée auprès de dirigeants de 150 entreprises, montre que les dirigeants ont une vision des attentes de leurs salariés en complet décalage avec la réalité du terrain. Et si les manageurs sont nombreux à juger leurs pratiques innovantes, leurs subordonnés sont loin de s’en apercevoir.
Une autre perception
Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs de la chaire innovations managériales d’Audencia ont confronté les résultats de cette enquête « dirigeants » avec ceux de l’enquête « salariés », réalisée en 2017, auprès d’un échantillon représentatif de 1 001 personnes. Plus de la moitié (53 %) des dirigeants interrogés pensent ainsi que les salariés de moins de 35 ans sont davantage en quête de sens que leurs aînés. Erreur ! Seule une minorité de 22 % des 18-34 ans de l’enquête cite l’intérêt de leur tâche parmi leurs principales motivations – contre 42 % pour la génération précédente.
En revanche, percevoir une augmentation est jugé comme très motivant pour les trois quarts des « millennials », plus que la reconnaissance des efforts (52 %) et la promotion (39 %). Autre décalage : si 65 % des dirigeants estiment pratiquer un management participatif ou collaboratif, 81 % des salariés se sentent, au contraire, managés de façon directive ! Il faut dire que les manageurs sont bien plus préoccupés par le développement de nouveaux produits et services ou par l’usage de nouvelles technologies que par l’innovation managériale.
Conséquence : malgré leur dire, les dirigeants gèrent leur « capital humain » moins attentivement que les autres catégories d’actifs. Une publication de Peter Cappelli, professeur de management à la Wharton School (Etats-Unis), parue en mai dans la Harvard Business Review, indiquait ainsi que, s’il est essentiel aux yeux des dirigeants américains de contrôler la qualité de leurs produits, services ou équipements, un tiers d’entre eux seulement appliquent le même genre de méthode pour s’assurer de la pertinence de leur processus de recrutement.