Devoir de vigilance des entreprises : les Européens ne sont pas encore au bout du chemin
Dix ans après la catastrophe du Rana Plaza – cet immeuble de huit étages qui abritait six ateliers de confection textile à Dacca, la capitale du Bangladesh, travaillant, en bout de ligne, pour des enseignes comme Mango et Primark, et dont l’effondrement, le 24 avril 2013, a fait plus de 1 100 morts –, l’Union européenne (UE) n’a toujours pas de loi sur le devoir de vigilance. Mais, tout doucement, elle se met en position de se doter d’un texte qui contraindrait les entreprises à mieux prévenir les violations des droits de l’homme et les préjudices environnementaux tout au long de leur chaîne d’approvisionnement.
Mardi 25 avril, le Parlement européen devrait adopter sa version amendée du projet de directive sur la gouvernance d’entreprise durable que la Commission avait présenté le 23 février 2022. Ce sera fait dans le cadre de sa commission des affaires juridiques, qui a obtenu un mandat de négociation, ce qui veut dire que cette décision n’aura pas besoin d’être validée par un vote en séance plénière.
Les élus ne veulent en effet pas prendre le risque de voir, à cette occasion, le texte réécrit, alors que la droite et l’extrême droite cherchent à en réduire la portée. Les Etats membres, pour leur part, ont arrêté leur position en décembre 2022. Il reste désormais à ces deux parties – les Vingt-Sept et l’Assemblée de Strasbourg – à négocier un compromis, ce qui s’annonce difficile, tant le sujet les divise.
Critères de responsabilité
Premier élément clivant : les entreprises concernées par ce texte. Le Parlement européen entend viser celles de plus de 250 salariés et de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires, ainsi que les maisons mères de plus de 500 salariés et de 150 millions de chiffre d’affaires. Les Vingt-Sept, et notamment l’Allemagne, attachée à son tissu de PME, auront à cœur de défendre une position plus restrictive.
Deuxième point de discorde : pour les eurodéputés, le donneur d’ordres doit être totalement responsable du dommage éventuel, même s’il peut ensuite se retourner vers ses sous-traitants. Une vision que défend la France, mais à laquelle Berlin est radicalement opposé, arguant que la responsabilité doit être partagée entre tous les acteurs. « Cette question sera le vrai gros sujet des discussions », anticipe l’eurodéputé (S&D) Pascal Durand.
Autre point dur des négociations à venir : les établissements financiers – banques, assureurs, fonds d’investissement, fonds de pension… – sont-ils responsables de la manière dont leur argent est utilisé par les entreprises ? Oui, répond le Parlement européen, comme les Pays-Bas, le Danemark ou la Finlande, quand la France, notamment, ne veut pas en entendre parler. Sur insistance de Paris et de ses alliés (Espagne, Italie, Slovaquie, Portugal), les Vingt-Sept ont d’ailleurs décidé qu’il revenait aux Etats membres de choisir.
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