Des exemples de « modernité managériale » ?
Philippe Chopin, chef de la brasserie de l’Abbaye de Saint-Wandrille (Seine-Maritime), n’a pas attendu que les concepts des sociétés agiles et collaboratives soient à la pic de la modernité managériale pour les mettre en œuvre. En 2014, la société, placée sous sa direction, amassait les pertes. Son activité, la microcopie, n’avait plus d’avenir en raison du développement des outils numériques.
Deux ans après, en 2016, ateliers et personnel avaient changé d’emploi. Des bouteilles de bière sortaient des chaînes en lieu et place des microfilms. La société est aussitôt ultrabénéficiaire. Un détail et non des moindres : Philippe Chopin, père Philippe, est un moine bénédictin. Et pour Marie-Catherine Paquier, professeure de marketing à l’European Business School (EBS) – dont l’abbé est un ancien élève –, « les monastères sont une source d’inspiration pour l’entreprise aujourd’hui ». Elle arrangeait une conférence sur ce sujet, le 27 mars, au Couvent des Bernardins, à Paris.
Certes, le fait que les monastères aient aider à dessiner le paysage économique européen est connu. Cette influence remonte au Moyen Age, Déclare Isabelle Jonveaux, sociologue, dans le numéro 81 de la revue Entreprises et histoire. « Plus que des inventeurs, les abbayes et monastères ont été des promoteurs, des diffuseurs et des affineurs de dispositifs formels d’animation de l’action collective. Le destin de la comptabilité en partie double gagne fortement à être rapproché de l’histoire de l’Eglise pour en comprendre de nombreux aspects » mentionne François-Xavier de Vaujany, professeur de management à l’université Paris-Dauphine, dans un ouvrage paru en 2010 (L’Activité marchande sans le marché, Colloque de Cerisy – Presses des Mines).
Des « commissions » et non « directions »
Mais, jusqu’à maintenant, cette diffusion des monastères vers les entreprises n’avait guère concerné les relations humaines. Et pour cause. Qu’y aurait-il de commun entre les orientations d’un abbé et celles d’un salarié ? Mais, depuis que le management hiérarchique, pyramidal, des sociétés est mis en cause, le fonctionnement collaboratif de certains ordres, celui de Saint-Benoît en particulier, mérite d’être étudié. « Le leadership de l’abbé, réconciliant le pouvoir paternel vertical et une approche horizontale d’un frère pour ses frères », peut devenir un modèle, ajoute Guillaume Mercier, chercheur en éthique d’entreprise à l’Ieseg, école de management de Lille.