Dégressivité des allocations-chômage : une « incitation au déclassement », selon l’OFCE
Une mesure frappée au coin du bon sens peut entraîner de nombreux effets « délétères » pour les demandeurs d’emploi. C’est l’un des enseignements qui se dégage d’une étude récemment publiée par Bruno Coquet, chercheur associé à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). L’auteur de cette note décortique une des dispositions les plus décriées de la réforme de l’assurance-chômage, instaurée par décret en juillet 2019 : la dégressivité des allocations. Une innovation à nouveau débattue, lundi 25 janvier, lors d’une séance de concertation entre la ministre du travail, Elisabeth Borne, et les partenaires sociaux.
Entré en vigueur au début de novembre 2019 avant d’être suspendu à cause de la crise, le mécanisme en question s’applique à une partie des bénéficiaires du régime : les moins de 57 ans, gagnant au moins 4 500 euros brut par mois quand ils exerçaient une activité, ce qui leur donne droit à une indemnisation plus importante que la moyenne. Si ces personnes sont toujours prises en charge par l’assurance-chômage six mois après y être entrées, la somme versée baisse, à partir du début du septième mois, dans des proportions pouvant aller jusqu’à − 30 %. Un plancher a cependant été prévu : la prestation ne peut pas descendre sous une barre située aux alentours de 2 500 euros par mois.
Le but, comme l’explique Bruno Coquet, est d’inciter le chômeur à prospecter « plus activement » pour obtenir un poste. La dégressivité obéit ainsi à une logique de « pression financière », qui possède « la force de l’évidence » et recueille un « fort soutien populaire ».
Economies
Une telle approche est toutefois très discutable, aux yeux de l’économiste, d’abord parce que dans près de 90 % des cas, les personnes inscrites à Pôle emploi « satisfont à leurs obligations » en matière de recherche d’une activité. Ces démarches dans le but de décrocher un contrat s’avèrent, qui plus est, « nettement plus forte[s] parmi les populations dont on peut présumer qu’elles ont des allocations supérieures à la moyenne », notamment les « cadres » ainsi que les « diplômés » et les « qualifiés ». Autrement dit, ce sont des publics parmi les plus prompts à essayer de se remettre en selle que la dégressivité « veut stimuler », s’étonne Bruno Coquet. Où est la cohérence ?
Certes, la mesure incriminée produit « indéniablement » les résultats qui « en sont attendus » : « Le montant des allocations baisse » et les individus « concernés sortent plus vite » du régime, ce qui permet à l’assurance-chômage de « faire des économies ». Mais ces incidences « immédiates » sont contrebalancées par d’autres « effets indésirables qui prennent le dessus à moyen terme ». Ainsi, des demandeurs d’emploi visés par le dispositif se voient contraints « d’accepter une offre d’emploi à un niveau de salaire beaucoup plus faible que celui auquel il[s] pourrai[en]t prétendre, au regard de [leurs] qualifications ou de [leur] expérience » : il s’agit donc d’une « incitation au déclassement ».
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