Dans les pas des enquêteurs de l’Insee, au chevet de la France
ReportageFragments de France | Après un an d’interruption à cause de l’épidémie de Covid-19, les 800 enquêteurs de l’Institut national de la statistique et des études économiques ont repris la route pour interroger les Français sur leur vie, leur moral, leur famille, leur travail.
La petite maison est là, pas très loin de la gare du RER, juste avant l’aéroport de Roissy. Les pavillons sont proprets, accolés les uns aux autres, chacun son petit jardin. Des gamins jouent au foot dans la rue. Il y a bien quelques barres d’immeubles de l’autre côté de la voie ferrée, mais de ce côté-ci, c’est calme, tout le monde le dit. Le portail de la maison est ouvert.
« Bonjour madame, je viens pour l’enquête de l’Insee.
– C’est pour savoir par rapport aux gens qui travaillent et ceux qui sont au chômage ?, demande la dame, qui a accepté le rendez-vous sans trop savoir.
– Oui c’est ça. On a par exemple des situations de chômage partiel, l’Etat veut savoir combien de gens ça représente… »
Michel Razafimanantsoa, enquêteur pour l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), est venu plusieurs fois faire son repérage dans le coin. Il recommence tout juste les enquêtes de terrain, interrompues au début de l’épidémie de Covid-19.
Depuis la fin de l’été, ils sont 800 comme lui à avoir repris la route, sonnant chez les gens pour les faire parler de leur vie et collecter des milliers de données qui deviendront des chiffres désincarnés. Ce sont les derniers à faire encore du porte-à-porte, visitant les campagnes, les banlieues cossues ou les cités, le cœur de Paris ou les zones rurales oubliées. Peu d’experts en savent autant sur l’état du pays, ses difficultés, ses angoisses, son rapport à l’Etat et aux institutions.
Ici, tout semblait indiquer que ce serait facile. Ce n’est pas toujours le cas. Des gens se méfient, et, souvent, ne connaissent pas l’Insee. Ou l’associent à l’Etat, dont l’image s’est abîmée. « Vous êtes de la Gestapo ! », a lancé une dame grincheuse à l’une de ses collègues en Bretagne. Ceux qui se cachent ne sont pas nécessairement ceux qu’on imagine. Les familles en situation irrégulière se dérobent autant que les avocats d’affaires parisiens, qui font mine d’être débordés de travail.
Pour faciliter le contact, l’enquêteur a simplifié son nom d’origine malgache, qu’il trouvait trop long, et se présente comme « Michel Raza ».
Questions intrusives et formelles
Pour le couple de trentenaires avec deux enfants qui habite ce pavillon, la vie est plus simple que pour d’autres, dans le quartier. Lui a une petite couette au sommet du crâne, une barbe sous son masque, et porte un maillot du PSG. Les deux sont en CDI, elle dans la logistique, lui chauffeur routier, catégorie « super poids lourd », précise-t-il, ajoutant qu’il va travailler en trottinette électrique. Il gagne plus qu’elle. Ils sont à l’aise, insérés, en bonne santé et vaccinés. Ils proposent même un café.
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