Dans le monde de la restauration, galères et fermetures en série : « Le télétravail, c’est la peste pour nous »

Dans le monde de la restauration, galères et fermetures en série : « Le télétravail, c’est la peste pour nous »

A la terrasse d’un restaurant sur la butte Montmartre, à Paris, le 15 octobre 2023.

Pour Patrice Creus, l’aventure aura duré trois ans. Elle s’est soldée par une liquidation judiciaire, prononcée en août. « J’avais fourni un effort de guerre pour ce restaurant, fait des sacrifices familiaux… Maintenant que c’est fini, je suis juste soulagé de ne plus souffrir », livre l’ancien patron du Comptoir, à Rennes, qui va devoir encore éponger des dettes pendant les neuf prochaines années. En 2020, ce commercial dans le domaine médical avait décidé de changer de vie et repris, après une formation, ce gros bistrot situé dans un quartier où sont installées de nombreuses entreprises et administrations. Entrecôte grillée, tartare au couteau, saint-jacques d’Erquy, entrée-plat-dessert à 19 euros : l’affaire, qui tournait à 180 couverts par jour, semblait solide.

« Après la longue fermeture due au Covid-19, quand on a rouvert, en juin 2021, les clients avaient disparu. Le télétravail a tout changé », explique le quadragénaire. Depuis, son chiffre d’affaires a été divisé par deux. Certains jours, « souvent les mardis ou les jeudis », il refusait du monde. Parfois, la salle était déserte. Plus personne ne venait le vendredi. « Pour la gestion du personnel, c’était devenu la cata. »

D’autant que ses charges salariales ont significativement augmenté, en application d’un accord de branche entré en vigueur en 2022 – un effort du secteur pour revaloriser une profession désertée par les jeunes. A cela s’est ajoutée, depuis un an, l’inflation sur les produits alimentaires. « J’ai sacrifié mes marges, car je ne pouvais pas répercuter ces hausses sur les prix. La clientèle Ticket Restaurant y est trop sensible. Ces derniers mois, l’équation ne tenait plus. »

« Tout était trop imprévisible »

Comme Le Comptoir, nombreux sont les restaurants qui, en cette fin d’année, se trouvent au pied du mur. De janvier à octobre, les défaillances dans le secteur sont en hausse de 52 % par rapport à 2022, selon les chiffres de la Banque de France, publiés mercredi 15 novembre. Une forme de rattrapage, après trois années où leur nombre avait beaucoup baissé, notamment en raison des aides apportées pendant la pandémie. Au total, 5 124 cafés ou restaurants sont passés par les tribunaux de commerce au cours des neuf premiers mois de 2023, selon les chiffres compilés par Atometrics, société spécialisée dans l’analyse de données ; 9 % de plus qu’en 2019, sur la même période. Le secteur continue cependant de croître (le nombre d’ouvertures est supérieur à celui des fermetures) : au total, la France compte 136 000 restaurants, soit 1,9 % de plus qu’il y a un an.

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LJD

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