Dans le Lot-et-Garonne, un Center Parcs pour faire oublier des années d’échecs
Une figure du communisme rural qui tape dans le dos d’un grand patron parisien, partageant le sourire satisfait de ceux qui ont fait un coup : on voit de drôles de choses dans le Lot-et-Garonne, à la frontière des Landes. Au royaume des pins et des noisetiers, à Casteljaloux, vient de pousser un Center Parcs, le premier depuis sept ans en France, inauguré jeudi 19 mai. Franck Gervais, le patron d’un groupe passé aux mains de fonds d’investissement, peut en remercier Raymond Girardi, le syndicaliste paysan et élu local qui y a consacré l’automne de sa vie politique.
C’est ce petit céréalier de 69 ans, jadis à la tête du Mouvement de défense des exploitants familiaux, qui, en 2010, a suggéré à Pierre & Vacances de construire un Center Parcs dans ce département peu touristique ; si possible dans la communauté de communes qu’il présidait déjà, là où commence la forêt des Landes. Gérard Brémond, encore PDG et propriétaire du groupe à l’époque, avait fait la fine bouche : « Trop au sud. »
Le concept de Center Parcs, né aux Pays-Bas, était pensé pour des régions sans soleil : comment justifier, sinon, l’espace aquatique chauffé à l’année, celui qui attire les familles ?
La crise économique est passée ; le projet de Roybon, en Isère, s’est enlisé ; Gérard Brémond est revenu dans le Lot-et-Garonne. Il a trouvé le même enthousiasme politique, indispensable pour des projets nécessitant l’appui logistique et financier des pouvoirs publics. Face à lui, un communiste, M. Girardi, un socialiste, Pierre Camani, président du département, et une assurance : « On avait promis à Brémond : “Ici ça se fera. On est les patrons.” » Ce qu’il a fallu de réunions publiques, de cajoleries, de démonstrations chiffrées ! M. Girardi fait les comptes : « Depuis huit ans, pas une journée où je n’ai pas été impliqué pour défendre le Center Parcs ou régler un problème. J’y ai passé ma vie. »
Projets retoqués ou à l’arrêt
C’était la condition pour faire accepter l’aménagement à l’ère des recours en justice, de la démocratie citoyenne et du « Not in my backyard » (« Pas dans mon jardin »), qui agrègent les oppositions aux projets touristiques. Center Parcs, qui se développe dans des espaces naturels peu visités, sur des superficies atteignant plusieurs centaines d’hectares, est particulièrement victime de cette prise de conscience.
L’ex-futur Center Parcs de Roybon s’est transformé en zone à défendre (ZAD), conduisant Pierre & Vacances à concéder l’abandon du projet ; celui de Poligny (Jura) est bloqué dans l’attente d’un jugement en appel du tribunal administratif de Nancy, après que le plan local d’urbanisme (PLU) faisant place au Center Parcs a été invalidé ; celui du Rousset-Marizy (Saône-et-Loire) n’a plus les faveurs du département ni de la région ; et l’extension du Center Parcs des Bois-France (Eure) a été retoquée en janvier par la justice administrative, saisie par une association de défense de l’environnement. L’état-major du groupe, en phase de rachat, a renoncé à l’extension et remisé les deux projets de Bourgogne-Franche-Comté dans les cartons, sans avoir annoncé formellement leur abandon. « Compte tenu de la restructuration financière en cours, il va y avoir une revue de l’ensemble des projets. Sur ces deux-là, on a bien conscience de l’opposition », estime une porte-parole.
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