Dans le Jura, la fonderie MBF Aluminium placée en liquidation judiciaire
De rage et de désespoir, ils ont retourné et incendié devant la cité judiciaire une voiture au logo de leur usine « MBF Aluminium ». Sur la carrosserie, tagué en rouge : « Renault assassin », « Etat assassin ». Les 270 salariés de la fonderie de Saint-Claude (Jura) venaient d’apprendre la décision du tribunal de commerce de Dijon, mardi 22 juin, de mettre leur entreprise, sous-traitant principalement de Renault, en liquidation.
Douloureuse conclusion de mois de combats, depuis le placement en redressement judiciaire le 4 novembre 2020. Tout aurait pu s’arrêter dès janvier, mais le tribunal a accordé, à deux reprises, des délais supplémentaires pour trouver un repreneur. Entre-temps, les salariés se sont mis en grève, le 31 mars. Mi-mai, à la veille d’une audience devant le tribunal de commerce, la tension était montée d’un cran quand quatre d’entre eux avaient entamé une grève de la faim à Paris devant le ministère de l’économie et des finances, alors que leurs collègues menaçaient de faire sauter l’usine si l’unique offre de reprise n’était pas acceptée. La sentence avait été repoussée. Jusqu’à ce 22 juin.
« Le dossier, il avait juste besoin d’un coup de pouce de l’Etat. Mais c’est un Etat corbillard ! Le gouvernement a fait le choix de liquider les fonderies » , Nail Yalcin, délégué CGT
« Ça fait 83 jours qu’on est en grève, qu’on se bat… réagit Nail Yalcin, délégué CGT, sous le choc. Le dossier, il avait juste besoin d’un coup de pouce de l’Etat. Mais c’est un Etat corbillard ! Le gouvernement a fait le choix de liquider les fonderies : FVM, fonderie du Poitou Fonte, maintenant MBF, à qui le tour ? » s’emporte-t-il, en allusion à deux autres fonderies en liquidation, l’une en Meurthe-et-Moselle, l’autre dans la Vienne.
La filière est confrontée à une crise de ces débouchés à moyen terme alors que la France a voté l’interdiction des moteurs diesel et thermiques pour 2040. Une étude commandée par le gouvernement et la plateforme de l’automobile au cabinet Roland Berger et remise en mai 2020 suggérait de reconsolider toute la filière fonderie en trois ans, avec l’aide de l’Etat, autour de « deux champions » nationaux. Mais non sans casse sociale : il faut « accepter qu’on ne pourra pas sauver tout le monde », disait le rapport sans détour en annonçant que « 40 % des emplois de la fonderie automobile devraient disparaître d’ici à dix ans », soit plus de 5 000 emplois.
« Saint-Claude est en deuil ! »
Fin avril, le gouvernement et les constructeurs se sont accordés sur un plan de 50 millions d’euros pour aider à la reconversion des salariés. Mais ces derniers espéraient des investissements pour maintenir l’outil industriel. Ils désignent en outre un autre mal : la délocalisation, par Renault et Stellantis, leurs principaux clients, de volumes de production de plus en plus importants vers d’autres sites en Europe.
A Saint-Claude, la seule offre de reprise avait été formulée par un entrepreneur français Mickael Azoulay. Il aurait notamment manqué de financements. La présidente socialiste de la région Bourgogne-Franche-Comté, Marie-Guite Dufay, en lisse pour sa réélection, avait évoqué dernièrement un projet d’entrée de la région au capital, dans le cadre d’un consortium public-privé. Mais le calendrier électoral a placé la décision du tribunal entre les deux tours des élections régionales.
Sur France Bleu Besançon mardi soir, elle a dénoncé « une catastrophe sociale sans précédent ». « Saint-Claude est en deuil ! », a réagi le maire divers droite de Saint-Claude Jean-Louis Millet dans Le Progrès. Depuis des mois, les salariés n’ont eu de cesse de rappeler le poids de cette fermeture pour la ville qui a déjà perdu plus de 2 000 habitants en dix ans.