Dans le CAC 40, le patriarcat se fissure
Sonnez marteaux-piqueurs, jouez fraiseuses ! Depuis mercredi 15 janvier, et pour la première fois de son histoire, Vinci compte une femme à son comité exécutif (le « comex »). Selon nos informations, le groupe de construction et de concessions employant 211 000 collaborateurs a recruté chez L’Oréal sa nouvelle directrice des ressources humaines (DRH), Jocelyne Vassoille, ancienne pilote de ligne.
Vinci était l’un des cinq irréductibles du CAC 40 (avec ArcelorMittal, Bouygues, STMicroelectronics et Vivendi), à n’accueillir que des costumes cravates dans son premier cercle de pouvoir. Mais elle n’est pas la seule multinationale française à féminiser ses instances de direction.
En 2019, Total, Hermès, Airbus ou Axa ont multiplié par deux le nombre de représentantes du « sexe faible » dans leur saint des saints : autrement formulé, il est passé de 1 à 2.
« Quand on n’est plus la seule à exprimer une opinion divergente, cela représente déjà un vrai changement. Sur les sujets liés à l’activité, il n’y a pas de différence entre les appréciations des hommes et des femmes, mais concernant le management, les perceptions ne sont pas les mêmes », témoigne Fabienne Lecorvaisier, dirigeante d’Air Liquide, qui fut longtemps dans sa carrière la seule femme du comex.
Sur sa carte de visite, son titre : « directeur général adjoint et directeur financier ». Pas directrice. « C’est délibéré. Je ne veux pas être caractérisée dans ma fonction par mon genre. » Une règle adoptée en souvenir d’un DRH qui claironnait adorer les directrices financières « bien moins chères que les directeurs financiers ».
« J’en ai vu de toutes les couleurs »
Quand Benoît Potier, le PDG du leader des gaz industriels, lui a annoncé qu’en avril 2019 le nombre de femmes au comex allait plus que doubler (pour passer à cinq), Mme Lecorvaisier, 58 ans, confesse avoir eu « les larmes aux yeux » : « Je me suis demandé pourquoi et j’ai réalisé que c’était le poids d’événements passés remontant à la période qui précède mon arrivée chez Air Liquide. Au début de ma carrière, comme beaucoup de femmes de ma génération, j’en ai vu de toutes les couleurs. Je pourrais écrire un livre sur les horreurs que j’ai pu entendre. J’ai souvent eu l’impression que tout était plus difficile que pour mes collègues masculins. »
À ce rythme, il faudrait trente-trois ans pour atteindre la parité dans les comex des vedettes de la cote