Dans la finance, « au rythme actuel, il faudra 140 ans pour atteindre la parité »
En novembre 2019, Christine Lagarde, qui venait de prendre ses fonctions à la présidence de la Banque centrale européenne (BCE), s’est fait prendre en photo entourée des membres du conseil des gouverneurs, l’instance suprême de l’organisation. Elle était la seule femme, entourée de vingt-quatre hommes, tous en costume bleu marine, beige ou gris. Depuis, les représentantes féminines dans cette prestigieuse instance ont… doublé, avec une nomination supplémentaire au directoire, en l’occurrence celle de l’Allemande Isabel Schnabel.
La BCE symbolise l’extraordinaire domination des hommes dans les institutions financières en général, et les banques centrales en particulier. Jeudi 20 avril, un rapport de l’OMFIF (Official Monetary and Financial Institutions Forum), un groupe de réflexion, remue le fer dans la plaie. Sur 336 grandes institutions financières passées au crible (186 banques centrales, 50 fonds de pension, 50 fonds souverains, 50 banques commerciales), seules 14 % sont dirigées par des femmes. En 2021, c’était 13,3 %, en 2022 13,7 %. « Au rythme actuel de progression, il faudra cent quarante ans pour atteindre la parité dans les rôles de direction », note le rapport, acide.
Les choses ne semblent guère sur le point de s’améliorer. Dans les échelons inférieurs des instances décisionnaires, en incluant tous les conseils d’administration et les comités exécutifs, seules 22 % des membres sont des femmes. « Les progrès sont presque nuls », se désespère Katarina Liu, l’une des autrices du rapport.
« Un problème de culture »
L’OMFIF a développé un index de parité, où un niveau de 100 indique une égalité exacte entre hommes et femmes dans les instances dirigeantes. Cette année, aucune institution financière n’atteint ce score parfait. La plus proche est la branche du Kansas de la Fed (score de 96), suivi du Victorian Funds Management Corporation (97), qui gère l’argent public de la province australienne de Victoria, et le fonds de pension canadien CPP (94).
Rien de vraiment significatif n’est fait pour changer les choses, souligne le rapport. Les institutions financières respectent les lois sur les questions de garde d’enfants, de congé parental ou même d’égalité salarial, mais vont rarement au-delà. « Il y a un problème de culture, continue Mme Liu. Les départements des ressources humaines de ces institutions ne prennent guère en compte les problèmes spécifiques des femmes, si bien que peu de femmes vont y travailler, et que les ressources humaines ne les prennent pas particulièrement en compte. C’est un cercle vicieux. »
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