« Créons un réseau de sociétés coopératives d’intérêt collectif pour produire les médicaments »
Tribune. Avec ses briques typiques de l’architecture ouvrière des années 1920, le laboratoire Roussel-Uclaf-Sanofi de Romainville était l’un des fleurons de l’industrie pharmaceutique en France. Des générations d’ouvriers, de techniciens de laboratoire, de chercheurs s’y sont rendues chaque jour avec le sentiment d’être utiles. Pourtant, alors qu’il était toujours rentable, le site a définitivement fermé ses portes en 2013. Et trois mille familles ont subi la violence du choc.
Cet exemple, parmi tant d’autres, est révélateur des errements de notre politique industrielle et des conséquences désastreuses de la financiarisation de notre économie. A l’heure de la globalisation à flux tendu et de la finance reine, le médicament a été considéré comme un produit ordinaire, engendrant des choix stratégiques court-termistes, fondés sur la seule maximisation du profit.
Abandon de souveraineté
Pour quels résultats ?
Ce sont d’abord dix mille emplois directs dans le secteur qui ont été détruits au cours des dix dernières années, alors même que ces activités étaient parfaitement viables et rentables comme à Romainville.
Plus grave encore, cette stratégie nous a fait abandonner un large pan de notre souveraineté : 80 % des principes actifs nécessaires à la fabrication des médicaments sont désormais produits en Chine et en Inde. Une situation qui entraîne des ruptures fréquentes d’approvisionnement, déplorées par les soignants depuis des années.
Et c’est seulement aujourd’hui, alors que nous traversons la plus grande crise sanitaire que nous ayons connue ces cent dernières années, que la réalité reprend le dessus sur les fantasmes néolibéraux : le médicament n’est pas un produit comme un autre. Il est stratégique. C’est un produit relevant du bien commun et de l’indépendance nationale.
En délocalisant, ce n’est pas seulement les emplois et les savoirs faire qui ont été détruits, c’est notre sécurité sanitaire que nous avons fragilisée.
Echec de la technocratie française
Cette histoire n’est pas seulement celle de la faillite de la mondialisation des échanges et de la financiarisation de l’économie. C’est l’échec de la technocratie française façonnée à l’idée que la verticalité colbertiste et le marché libre font bon ménage. C’est surtout l’échec de notre politique industrielle qui méconnaît les besoins et les dynamiques des territoires.
Il est temps de remettre les choses à leur place.
Le sort du médicament en France doit désormais impliquer toutes les parties prenantes, dans une logique démocratique de l’exercice de notre souveraineté. Place au dialogue et à la coopération entre l’Etat, les personnels de santé, les mutuelles, les territoires, les citoyens….
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