Coronavirus : l’économie des musées touchée de plein fouet
Expositions reportées, extensions suspendues, privatisations annulées… la propagation du coronavirus frappe de plein fouet l’économie des musées. Nemo, une association regroupant quelque 30 000 musées européens, mène une vaste étude sur le sujet. Et les premiers résultats recueillis auprès de 650 musées sont alarmants : ceux implantés dans les capitales touristiques accusent des pertes de 75 % à 80 %. 1 % des musées interrogés perdent chaque semaine jusqu’à 30 000 euros, et 5 % affichent un trou hebdomadaire de 50 000 euros.
Le manque à gagner est abyssal pour les poids lourds comme le Rijksmuseum et le Stedelijk, tous deux à Amsterdam, ainsi que pour le Kunsthistorisches Museum de Vienne, dont les pertes s’échelonnent entre 100 000 et 600 000 euros par semaine. Nemo ne le précise pas, mais, en Espagne, le Reina Sofia, qui fête son trentième anniversaire cette année, a vu ses recettes en billetterie fondre de 440 000 euros en mars. A Vienne, l’Albertina, qui devait inaugurer, le 12 mars, son extension moderne de 2 000 m2, subit une perte quotidienne de 70 000 euros. Quant au Centre Pompidou, à Paris, le manque à gagner mensuel de la billetterie se chiffre à 1,2 million d’euros.
Présence en ligne
Pour ne pas perdre le lien avec leurs visiteurs, 60 % des musées interrogés par Nemo ont renforcé leur présence en ligne. Mais, le plus souvent, en recyclant les contenus existants : seulement 13,4 % ont augmenté leur budget pour les activités numériques. Seule bonne nouvelle, la majorité des musées ne prévoit – pas encore – de licenciements, 70 % d’entre eux ayant affecté leurs collaborateurs à de nouvelles tâches en temps de confinement.
Si les musées européens, subventionnés pour partie, peuvent faire le dos rond, tel n’est pas le cas de leurs homologues américains, tributaires des fonds privés. Laura Lott, présidente de l’American Alliance of Museums, chiffre les pertes de ses 35 000 membres à quelque 33 millions de dollars (30 millions d’euros) par jour de fermeture. Le Metropolitan Museum of Art, qui ne prévoit pas de réouverture avant juillet, évalue le coût de l’épidémie à 100 millions de dollars au bas mot. Et malgré sa dotation de 3,6 milliards de dollars, la vénérable institution de la Ve Avenue n’exclut pas un plan social.
Licenciements massifs
Jour après jour, les grands musées américains annoncent, en effet, des licenciements massifs. Le Musée des beaux-arts de Boston, dont les pertes ont grimpé à 1,4 million de dollars depuis la mi-mars, selon le site Wbur.org, se sépare de près de la moitié de ses 750 employés. Le New Museum of Contemporary Art de New York a congédié un tiers de son personnel, tandis que le Musée d’art contemporain du Massachusetts (Mass MoCA) va remercier 120 employés, soit 72 % de ses effectifs.
Combien de temps ces établissements pourront-ils tenir, d’autant que les difficultés financières devraient se prolonger au-delà de la période de confinement ? Selon Laura Lott, près d’un tiers des musées américains pourraient disparaître. La première victime est tombée le 3 avril : l’Indianapolis Contemporary, qui avait pourtant recruté en janvier sa nouvelle directrice, a mis la clé sous la porte après dix-neuf ans d’activité.